La visite en Suisse et en Autriche du président iranien Hassan Rohani en quête de garanties pour maintenir l’accord sur le nucléaire est bousculée par les soupçons pesant sur un diplomate iranien en poste à Vienne, suspecté d’être impliqué dans un projet d’attentat contre un rassemblement d’opposition.
A la veille de l’arrivée de M. Rohani à Vienne, les autorités autrichiennes ont annoncé mardi avoir demandé à Téhéran de lever l’immunité du diplomate de l’ambassade d’Iran en poste dans la capitale et interpellé samedi en Allemagne.
Le ministère autrichien des Affaires étrangères a ajouté avoir, dans un second temps, décidé de retirer au suspect son statut de diplomate. Le retrait de ce statut sera effectif « dans les 48 heures ». La question de l’immunité, un statut très protecteur en cas d’infraction, ne devrait cependant pas forcément affecter la décision des autorités allemandes sur le sort du diplomate car il a été arrêté hors de son pays de rattachement, a précisé le ministère à l’AFP.
500 grammes de TATP
Le suspect est visé par un mandat d’arrêt européen, selon la même source. Au total, six personnes ont été interpellées par les autorités de plusieurs pays européens, suspectées d’avoir participé à la préparation d’une attaque contre un rassemblement d’opposants au régime iranien samedi près de Paris auquel participaient des personnalités américaines de premier plan.
Bernard Hourcade, auteur de Géopolitique de l’Iran, explique selon L’Obs que les Moudjahdine ne représentent pas réellement cette forte opposition qu’on croit être: Les Moudjahidine du Peuple ne sont aujourd’hui qu’une petite secte politique de quelques centaines de personnes tout au plus, vivant en vase clos en France, entièrement dévouées au mouvement et cultivant une véritable culte de la personnalité, mais sans relais en Iran. »
Le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), entité proche des Moudjahidine du peuple, avait affirmé lundi que « le diplomate du régime des mollahs en Autriche arrêté en Allemagne (…) s’appelle Assadollah Assadi » et l’accuse d’avoir été le « commanditaire » et « principal planificateur » de l’attentat qui visait le rassemblement.
Il est soupçonné d’avoir été en contact avec deux autres personnes interpellées: un couple de Belges d’origine iranienne arrêté à Bruxelles en possession de 500 grammes de TATP, explosif artisanal très instable, et d’un « mécanisme de mise à feu ».
Convocation de l’ambassadeur iranien en Autriche
Le couple est mis en cause pour avoir voulu commettre un attentat à la bombe samedi à Villepinte près de Paris, lors d’un rassemblement organisé par les Moudjahidine du Peuple Iranien (MEK), un parti d’opposition iranien fondé en 1965 et interdit par les autorités iraniennes depuis 1981.
Selon le site du ministère autrichien des Affaires étrangères, M. Assadi a le rang de troisième conseiller à l’ambassade d’Iran. L’ambassadeur d’Iran en Autriche a été convoqué au ministère des Affaires étrangères dès lundi pour s’expliquer.
Accord sur le nucléaire iranien
Ulcéré, Téhéran a dit voir dans ces mises en cause une machination, au moment où le président iranien Hassan Rohani est en Europe pour discuter de coopération entre Européens et Iraniens après le retrait américain de l’accord sur le nucléaire conclu en 2015.
Le contexte est d’autant plus sensible que les ministres des Affaires étrangères des cinq États membres de l’accord sur le nucléaire iranien se réuniront vendredi à Vienne pour la première fois depuis le retrait des États-Unis de ce pacte en mai, selon l’agence officielle iranienne Irna.
La visite de M. Rohani est jugée « d’une importance capitale » à Téhéran pour la coopération entre la République islamique et l’Europe après le retrait américain de l’accord. Après une étape en Suisse jusqu’à mardi, le président iranien sera mercredi à Vienne où a été scellé en juillet 2015 l’accord international sur le nucléaire qui avait été négocié pendant plusieurs. Il y rencontrera le chef du gouvernement Sebastian Kurz et le président de la République Alexander Van der Bellen.
Des « garanties » de nature économique
La signature de mémorandums de coopération entre l’Iran et l’Autriche ainsi qu’une rencontre avec les milieux d’affaire autrichiens sont également prévues alors que l’Iran enjoint l’Europe de fournir des « garanties » de nature économique qui permettraient à l’Iran de rester partie à l’accord.
Le retrait unilatéral de Washington de l’accord nucléaire ouvre en effet la voie à de nouvelles sanctions américaines contre Téhéran et les entreprises de pays tiers qui commercent avec l’Iran ou y investissent. Plusieurs grands groupes étrangers, y compris en Autriche, ont annoncé leur intention de cesser toute activité en Iran, ou avec le pays, par peur des sanctions à venir
Le Quotidien/ AFP