La mouvance prodémocratie à Hong Kong a encaissé vendredi une nouvelle gifle avec le report d’un an des législatives pour cause de coronavirus, au terme d’un mois marqué par la disqualification de leurs candidats, des arrestations d’étudiants et le départ en exil de figures de l’opposition.
Un an après des manifestations sans précédent dans l’ex-colonie britannique depuis sa rétrocession en 1997, le pouvoir central chinois a engagé une reprise en main musclée de son territoire semi-autonome au travers d’une loi draconienne sur la sécurité nationale imposée fin juin. Beaucoup d’opposants l’avaient présentée comme le dernier clou sur le cercueil du principe « un pays, deux systèmes », qui était censé garantir jusqu’en 2047 des libertés inconnues ailleurs en Chine continentale. Les semaines qui ont suivi son adoption on confirmé la crispation brutale, avec une répression contre les prodémocratie.
Vendredi soir, la cheffe de l’exécutif local Carrie Lam, qui est nommée par Pékin, a annoncé le report des élections qui devaient permettre en septembre de renouveler le Conseil législatif (Legco, le Parlement). Elle a parlé de « la décision la plus difficile » à prendre depuis l’arrivée en janvier de la pandémie dans la ville -qui connait depuis le début du mois une nette recrudescence de cas. Pékin a immédiatement exprimé vendredi son soutien au report. « Ceci est nécessaire, raisonnable et légal », a déclaré le Bureau des affaires de Hong Kong et Macao, dans un bref communiqué. « Le gouvernement central comprend totalement cette décision et la soutient ».
Cette décision a avivé la colère du camp prodémocratie, qui avait enjoint Carrie Lam de ne pas instrumentaliser la pandémie pour se protéger d’une déroute dans les urnes. « C’est une décision politique sournoise et méprisable, dont le but est d’empêcher une victoire des démocrates à l’élection telle qu’elle était prévue initialement », a déclaré une parlementaire d’opposition, Claudia Mo, mettant en garde contre le risque d’une explosion de colère populaire.
« Notre résistance se poursuivra »
Jeudi, les autorités avaient annoncé l’invalidation de la candidature de 12 militants prodémocratie à ces élections. « Notre résistance se poursuivra et nous espérons que le monde se tiendra à nos côtés dans les batailles à venir », a déclaré vendredi matin lors d’une conférence de presse Joshua Wong, qui avait en 2014 été le visage du « Mouvement des parapluies », et dont la candidature a également été rejetée. « C’est sans aucun doute la période de fraude électorale la plus scandaleuse de l’histoire de Hong Kong », a déclaré celui que les autorités avaient déjà empêché de se présenter aux élections locales de novembre, au cours desquelles le camp prodémocratie avait triomphé.
Dans un communiqué, l’exécutif a dressé une longue liste des raisons de ces disqualifications, citant le fait que certains candidats aient critiqué la loi sur la sécurité ou refusé de reconnaître la souveraineté chinoise. Plus ubuesque, il a reproché à certains le fait qu’ils aient l’intention de conquérir la majorité au LegCo. Le camp prodémocratie espérait capitaliser sur la popularité de la contestation de l’an passé, et sur son succès aux scrutins locaux en novembre, pour obtenir pour la première fois la majorité dans une chambre qui est ainsi composée qu’elle penche normalement quasi automatiquement du côté des pro-Pékin.
« La politique de la peur à l’œuvre »
L’invalidation des candidatures est tombée moins de 24 heures après l’arrestation mercredi soir de quatre étudiants, trois hommes et une femme âgés de 16 à 21 ans, d’anciens membres d’une organisation prônant l’indépendance et récemment dissoute. Il s’agissait des premières interpellations par l’unité de la police hongkongaise créée pour faire respecter la loi sur la sécurité. Les quatre ont été libérés vendredi sous caution. La veille, le camp prodémocratie s’était ému du limogeage, par l’Université de Hong Kong, du professeur de droit Benny Tai qui avait été incarcéré en 2019 l’an passé pour son rôle dans le « Mouvement des parapluies ». Avocat inlassable de la non-violence, Benny Tai avait été un des organisateurs des primaires prodémocrates.
« La Terreur blanche, la politique de la peur sont à l’œuvre à Hong Kong », a dénoncé jeudi un compagnon de route de Joshua Wong, Nathan Law, qui s’est exilé à Londres.
LQ/AFP