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Elections en Afrique : « de plus en plus difficile de frauder », selon des experts


Manifestation à Paris, ce samedi 3 septembre, en soutien au peuple gabonais. (photo AFP)

Les élections en Afrique sont souvent entachées d’accusations de fraude, mais sur le continent ces pratiques sont devenues flagrantes en raison de la mobilisation de la société civile et du développement de la technologie, selon des experts.

Les scrutins organisés ces derniers mois dans plusieurs pays africains n’ont pas connu de contestation majeure, contrairement au Gabon, actuellement en proie à des troubles post-électoraux, dit à l’AFP Mathias Hounkpe, responsable du programme de Gouvernance politique à la fondation Osiwa (Open Society Initiative for West Africa), qui promeut la bonne gouvernance et la transparence.

Le Gabon a organisé le 27 août une présidentielle à tour unique, remportée officiellement par le chef de l’Etat sortant Ali Bongo Ondimba avec 49,80% des voix devant son principal adversaire Jean Ping (48,23%), qui revendique la victoire et accuse le pouvoir de fraude.

Récemment, « au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Burkina Faso, les élections se sont déroulées presque sans contestation, ce qui veut dire que tout le monde avait la capacité d’avoir les résultats et de compiler soi-même », affirme M. Hounkpe pour qui « il est de plus en plus difficile de frauder » à un scrutin de nos jours.

Il est possible, souligne-t-il, de réduire les brèches grâce à « un certain nombre de facteurs »: il faut un cadre légal d’organisation des élections « clair », des organes électoraux « en mesure de faire respecter les règles » et des acteurs indépendants qui puissent « garantir la crédibilité du processus », notamment les observateurs, nationaux ou étrangers, les mouvement sociaux et les médias, entre autres.

Son point de vue est partagé par Aboubacry Mbodji, secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), ONG panafricaine basée à Dakar ayant une longue expérience d’observation électorale.

« Le Sénégal, le Ghana, le Cap-Vert, le Bénin et le Burkina Faso ont montré des exemples de bonne pratique en matière électorale » avec une mobilisation de la société civile, de médias et de citoyens, note M. Mbodji. « Le rôle des médias et l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, c’est extrêmement important. »

Mobilisations citoyennes

Il cite le cas du Sénégal, son pays, qui a connu deux alternances en douze ans. En 2000, le libéral Abdoulaye Wade est élu président au second tour face à Abdou Diouf, héritier d’un régime socialiste au pouvoir pendant 40 ans.

Le président Wade a ensuite été battu en 2012 par son ex-Premier ministre Macky Sall, au terme d’une mobilisation citoyenne contre sa volonté d’obtenir un troisième mandat.

« Nous avons pu obtenir l’alternance en 2000 pour une grande part grâce à l’utilisation des téléphones portables, mais aussi de l’Internet », assure Aboubacry Mbodji.

Lors de ce scrutin, les médias privés – surtout les radios – avaient permis, grâce à des appels en direct avec le téléphone portable, de publier en direct les résultats des dépouillements des bulletins de vote et donc de réduire sensiblement les velléités de fraude.

A Dakar, beaucoup se rappellent aussi que de nombreux Sénégalais, militants politiques ou simples citoyens, ont veillé devant les lieux de dépouillement pour s’assurer du respect des suffrages.

De nouveaux acteurs locaux sont apparus lors de la mobilisation contre un troisième mandat d’Abdoulaye Wade. Parmi eux, le mouvement Y en a marre, formé par des jeunes, notamment des rappeurs, a inspiré des organisations similaires en Afrique: Le balai citoyen au Burkina Faso, Filimbi et Lutte pour le changement (Lucha) en République démocratique du Congo.

Avec autant de garde-fous, les tentatives de fraude sont désormais visibles au grand jour et s’accompagnent de mesures controversées : coupures des réseaux de télécommunications, d’Internet et/ou des réseaux sociaux, restriction des espaces de liberté, ou interdiction de supervision de certaines étapes du processus électoral, indiquent les experts.

Une situation illustrée par la présidentielle de mars remportée par le chef de l’Etat sortant Denis Sassou Nguesso au Congo, où « même les observateurs de l’Union africaine n’ont pas pu communiquer correctement pour assurer pleinement leur mission », déplore Aboubacry Mbodji.

Cependant, pour Mathias Hounkpe, même ces pratiques ne peuvent totalement empêcher la circulation de documents authentiques ou la diffusion de témoignages sur des fraudes: « C’est comme si ceux qui sont au pouvoir avaient de moins en moins la capacité de manipuler le processus ».

Le Quotidien / AFP