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Egypte – Le tourisme, nouvelle cible des jihadistes


La police égyptienne a retrouvé des restes humains des jihadistes qui ont voulu perpétrer un attentat dans un haut lieu touristique de Louxor. (Photo : AFP)

Les jihadistes semblent changer de cible en visant les touristes, comme en témoigne la tentative d’attentat déjouée au temple de Karnak à Louxor. L’intervention de la police a évité un massacre.

Un attentat suicide qui aurait pu faire un massacre a été déjoué hier par la police à Louxor, dans le sud de l’Égypte. Il s’agit de la seconde attaque visant des touristes depuis la destitution par l’armée en 2013 du président islamiste Mohamed Morsi.

Avec cet attentat raté qui aurait pu faire un carnage dans l’un des temples les plus visités d’Égypte, les jihadistes changent de stratégie pour ébranler un pouvoir répressif obsédé par la nécessité d’attirer à nouveau touristes et investisseurs étrangers.

Depuis la destitution du président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013 et la répression sanglante menée contre ses partisans par les autorités, des groupes jihadistes ont perpétré de nombreux attentats et attaques commando qui visaient exclusivement les forces de sécurité. Mais les experts avaient prédit qu’ils changeraient rapidement de stratégie face à l’incapacité de ces attaques, lors desquelles ont été tuées des centaines de policiers et de soldats, à affaiblir le nouveau pouvoir d’Abdel Fattah al-Sissi. D’autant que pleuvent sur le pays les millions de dollars d’aide des monarchies du Golfe et les promesses de contrats juteux avec des compagnies étrangères.

Hier, à l’entrée du temple de Karnak à Louxor, les policiers ont stoppé trois assaillants. Un kamikaze s’est fait exploser et les policiers ont abattu les deux autres, lourdement armés. Plus de 600 touristes se trouvaient dans le temple, seuls deux policiers et deux civils égyptiens ont été légèrement blessés. La police a évité un massacre comparable à ceux de Bombay, où 166 personnes avaient été tuées dans un hôtel en 2008, de Garissa au Kenya (148 morts dans une université en avril), ou du musée du Bardo à Tunis (21 touristes tués en mars).

Une guerre totale

De telles attaques «sont susceptibles d’inquiéter la communauté internationale au moment où les touristes commençaient à revenir, au Caire ou à Louxor», estime Zack Gold, expert au sein du groupe de réflexion American Security Project.

Le Caire avait annoncé en février une hausse de 20 % des recettes du tourisme en 2014 par rapport à l’année précédente. Ce secteur fournit près de 20 % de ses devises étrangères à l’Égypte. «Désormais, il s’agit d’une guerre totale menée contre l’Égypte et pas seulement contre ses forces armées», renchérit Mathieu Guidère, professeur de géopolitique arabe à l’université de Toulouse (France). Ce type d’attaque a pour objectif «d’affaiblir l’économie égyptienne en détruisant le secteur touristique», mais permet également de «donner le maximum d’impact médiatique et une résonance internationale là où des actions locales ont échoué à obtenir le même écho depuis des mois malgré leur intensité», analyse-t-il. Pour Mohamed al-Zayat, du Centre régional pour les études stratégiques au Caire, «on a voulu porter un coup dur à l’économie et au tourisme, montrer que le pays n’est pas sûr au moment où le secteur connaissait une reprise».

En février 2014, le principal groupe jihadiste du pays, Ansar Beït al-Maqdess, avait revendiqué un attentat suicide contre un bus de touristes sud-coréens faisant quatre morts, dans le Sinaï. Le groupe, qui a récemment fait allégeance aux jihadistes de l’État islamique (EI), affirmait à l’époque livrer une «guerre économique» au Caire.

Après l’attentat d’hier, le ministre des Antiquités, Mamdouh al-Damati, a reconnu avoir «le sentiment que le terrorisme commence à frapper les sites touristiques». «Nous multiplions les mesures de sécurité sur ces lieux, et nous continuons à placer des caméras de surveillance sur tous les sites archéologiques», tente-t-il de rassurer.

Mais pour Mathieu Guidère, «il n’y a pas grand-chose à faire contre les attentats suicide». «La clé n’est ni militaire ni sécuritaire, mais politique et sociale», estime l’expert.

AFP