L’heure est au statu quo sur le front de l’épidémie Ebola en République démocratique du Congo, au lendemain de la décision de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) d’en faire une « urgence de santé publique de portée internationale ».
La décision de l’OMS n’a aucun impact à Goma où les deux postes-frontières avec le Rwanda sont ouverts jeudi matin et aussi fréquentés que d’habitude. Lavage des mains à l’eau chlorée et prise de température: les mesures de prévention sont les mêmes que depuis le début de l’épidémie le 1er août dernier. A Butembo, épicentre de l’épidémie situé à 250 km au nord de Goma, les autorités ont surtout le souci de retrouver les « contacts » des malades pour les vacciner et éviter la propagation du virus.
Ces derniers jours, le virus a encore tué dix personnes dans la province du Nord-Kivu, ce qui porte le bilan total à 1 698 décès depuis la déclaration de l’épidémie le 1er août 2018, selon le dernier bulletin du ministère de la Santé. Parmi eux, 41 agents de santé. Huit des dix derniers décès ont été enregistrés à Beni, le principal foyer de l’épidémie avec Butembo-Katwa, à 50 km plus au sud. Dans cette région peuplée où les habitants se déplacent beaucoup, Beni avait pourtant connu une accalmie il y a quelques mois. Il y a aussi « 374 cas suspects en cours d’investigation » et « 10 nouveaux cas confirmés », détaille le ministère dans son point sur la situation à la date du 16 juillet, diffusé deux jours plus tard.
Il y a eu 717 personnes guéries et la vaccination de 164 757 habitants a permis d’éviter des milliers de morts, selon le ministre de la Santé, lui-même médecin, Oly Ilunga. Il était attendu ce jeudi à Goma, où la découverte d’un premier cas dimanche a conduit l’OMS trois jours plus tard à activer sa procédure d’urgence sanitaire mondiale pour la cinquième fois seulement depuis 2009.
Goma est bien plus connu que Beni et Butembo sur la carte des interventions humanitaires et onusiennes depuis l’épidémie de choléra qui avait décimé les réfugiés hutus rwandais fuyant les représailles du génocide des Tutsis en 1994. Goma est un carrefour à la frontière du Rwanda. C’est la plus grande ville touchée jusqu’à présent avec ses un à deux millions d’habitants, sa frontière avec le Rwanda et son port d’où partent des bateaux pour le Sud-Kivu. Le patient de Goma, même décédé dès lundi, a réactivé la peur d’une propagation du virus bien au-delà de Beni-Butembo-Katwa.
La France montrée du doigt
Le directeur général de l’OMS a demandé à la communauté internationale de « redoubler d’efforts » : « Nous avons besoin de travailler ensemble avec la RDC pour en finir avec cette épidémie et construire un meilleur système de santé ». Les États-Unis se présentent comme le premier contributeur via USAID avec 98 millions de dollars, indique leur ambassade à Kinshasa. L’administrateur d’USAID promet « d’adapter » leur réponse mais souligne que « d’autres donneurs doivent s’y mettre ».
La France a été montrée du doigt pour son absence d’engagement financier contre Ebola en RDC, théoriquement le plus grand pays francophone au monde avec ses quelque 80 millions d’habitants. Paris a réagi en nommant un « envoyé spécial ». Oly Ilunga a fait savoir qu’il « accepte » la décision des experts de l’OMS, avec une mise en garde envers les ONG pour qui « urgence sanitaire internationale » signifie nouvelles subventions. « Nous espérons qu’il y aura une plus grande transparence des acteurs humanitaires par rapport à leur utilisation des fonds pour répondre à cette épidémie d’Ebola », écrit-il dans un communiqué. Les équipes sanitaires continuent de rechercher et vacciner les personnes ayant été en contact avec le patient de Goma décédé lors de son transfert à Butembo, indique-t-il. « Tous ses contacts se trouvant dans la ville ont été retrouvés en moins de 72 heures, y compris le chauffeur de taxi-moto que le pasteur avait utilisé pour se rendre au centre de santé ».
Par ailleurs, les équipes de Beni et Butembo « continuent les investigations pour retracer le parcours du pasteur et identifier ses contacts dans ces deux villes ». En colère contre le patient de Goma qui a voyagé alors qu’il présentait des symptômes de la maladie, le ministre a averti : « Le gouvernement va envisager quelles sont les mesures à prendre pour éviter que ces groupes à haut risque continuent à propager l’épidémie dans la région ».
LQ/AFP