Pour Donald Trump qui n’a de cesse de dénoncer les fuites, massives et à répétition, qui donnent une image chaotique de sa présidence, c’est presque une question de trahison.
Vendredi, son administration doit dévoiler un plan pour mettre fin à ces fuites dont la nature, l’ampleur et la rapidité avec laquelle elles se produisent sont sans précédent dans l’histoire moderne de la présidence américaine. Le ministre de la Justice Jeff Sessions et le patron des services de renseignement, Dan Coats, tiennent une conférence de presse pour aborder le sujet «des fuites de matériel classifié qui menace la sécurité nationale».
Hasard du calendrier, elle intervient après l’une des fuites les plus extraordinaires de par la nature même des documents obtenus par le Washington Post: le verbatim des conversations téléphoniques du président des États-Unis avec son homologue mexicain, Enrique Pena Nieto, et le Premier ministre australien, Malcolm Turnbull. Ces documents ouvrent une fenêtre inédite, six mois seulement après que les conversations aient eu lieu, sur la véritable nature de leurs relations. On est loin du ton diplomatique des comptes-rendus officiels qui ont été publiés dans la foulée de ces conversations.
Donald Trump exhorte Enrique Pena Nieto d’arrêter de dire publiquement que Mexico ne paiera pas la construction du mur frontalier promis par le milliardaire républicain pendant sa campagne. Le président américain n’est pas loin de supplier son homologue mexicain au cours de cet échange: «Je dois obtenir que le Mexique paie le mur. Je le dois», poursuit le président américain. «J’en parle depuis deux ans», dit Donald Trump le 27 janvier.
La fuite de trop ?
A l’autre bout du fil, le président mexicain repousse ces injonctions en expliquant qu’il s’agit d’un problème «lié à la dignité du Mexique et à la fierté nationale de (s)on pays». Avec le Premier ministre australien les choses se passent encore plus mal. «J’en ai plus qu’assez», lâche Donald Trump, après de vifs échanges. «J’ai passé des appels comme ça toute la journée et c’est le plus déplaisant de la journée.»
Vladimir «Poutine a été un appel plaisant», poursuit-il, au sujet de son échange avec le président russe. Si le président n’a pas encore réagi au dernier épisode en date, il s’est en revanche souvent emporté contre «les fuites illégales» et a même fustigé publiquement son ministre de la Justice, «très faible» sur ce dossier.
Il a aussi nommé un général des Marines à la retraite, John Kelly, au poste stratégique de secrétaire général de la Maison Blanche pour tenter de remettre de l’ordre dans une administration où les querelles intestines s’étalent quasi-quotidiennement dans les journaux. Les fuites sont monnaie courante à Washington, la presse en vit, les politiciens s’en servent et tout le monde y trouve son compte. Mais la fuite inédite des retranscriptions de conversations avec de hauts dirigeants étrangers a fait sonner l’alarme, y compris chez de fervents opposants de M. Trump, qui soulignent que cela va trop loin.
« Une par jour »
«Faire fuiter les retranscriptions d’une conversation téléphonique présidentielle avec un dirigeant étranger est sans précédent, choquant et dangereux», écrit David Frum, une des plumes de George W. Bush, dans The Atlantic. «Il est vital que le président puisse parler en toute confidentialité et plus important encore que les dirigeants étrangers puissent répondre en toute confiance», souligne-t-il, ajoutant qu’aucun dirigeant n’osera plus s’exprimer franchement s’il craint de retrouver ses propos dans la presse. Quelles que soient «les raisons qui motivent les fuites, c’est dangereux pour notre politique étrangère», a abondé John Kirby, porte-parole de la diplomatie américaine sous Barack Obama.
Les républicains de la Commission du Sénat sur la sécurité intérieure ont publié un rapport en juillet sur la «vague sans précédent de fuites d’informations potentiellement dangereuses» depuis que Donald Trump est au pouvoir. «Sous les (administrations des) prédécesseurs de Trump, les fuites d’information sur la sécurité nationale étaient relativement rares», souligne le rapport. «Sous le président Trump, les fuites coulent au rythme d’une par jour» et semblent «venir de tout le gouvernement». Et elles ne concernent plus seulement l’affaire russe, déplore le rapport, mais «se sont étendues à d’autres informations sensibles qui pourraient menacer la sécurité nationale».
Le Quotidien/AFP