Donald Trump continuait lundi sa campagne pour promouvoir l’abrogation d’«Obamacare», face aux réserves croissantes de parlementaires de la majorité républicaine. Plusieurs élus s’inquiètent du nombre d’Américains pouvant perdre leur couverture maladie.
Conscient de la difficile bataille politique qui s’ouvre, le président américain multiplie les interventions pour dire combien la loi emblématique de son prédécesseur est «un désastre», dénonçant une dérive implacable des coûts. Réunissant lundi à la Maison Blanche des particuliers déçus de cette loi de 2010, il s’en est pris à l’une de ses cibles favorites: les journalistes.
«La presse donne une image tellement positive d’Obamacare (….) or la loi est en train d’imploser et 2017 sera encore pire», a-t-il lancé, lors d’une table-ronde destinée à illustrer que pour une partie de la classe moyenne, le coût des assurances privées a beaucoup augmenté ces dernières années. Il ne s’est cependant pas exprimé sur d’éventuels ajustements qui pourraient lui permettre de grappiller de précieuses voix au sein de son parti. Tout Washington attendait avec impatience la publication prochaine d’un rapport du Bureau du budget du Congrès (CBO) calculant l’impact de l’American Health Care Act, la proposition de loi qu’il soutient au Congrès
Cette nouvelle loi réduirait les aides publiques et supprimerait l’obligation universelle de s’assurer, dans le but de libéraliser un peu plus le marché privé de la couverture santé. Si l’estimation du nombre de personnes risquant de perdre leur couverture était haute, de nombreux républicains modérés pourraient lâcher le texte, s’ajoutant à ceux de l’aile droite qui estiment que le projet ne va pas assez loin dans le désengagement de l’État.
Les estimations indépendantes sont d’au moins 15 millions de personnes perdant leur assurance, selon l’institut Brookings, ou entre 6 et 10 millions, selon Standard & Poors. Cela effacerait une bonne partie des gains de la loi signée par Barack Obama, qui a permis à plus de 20 millions de personnes autrefois non assurées de gagner une couverture, faisant chuter leur proportion de 16% de la population à 9% en 2016.
Élections de 2018
Pour les chefs républicains, il y a urgence. Un échec serait catastrophique politiquement car cette abrogation est leur premier chantier législatif, symbolique de leur retour au pouvoir. «Combien de gens perdront leur couverture ?», a demandé dimanche un journaliste à Paul Ryan, le président républicain de la Chambre des représentants, le visage de la réforme. «Je ne peux pas répondre à cette question», a répondu Paul Ryan. «Cela dépendra des gens (…) Les gens feront ce qu’ils veulent de leur vie, car nous croyons en la liberté individuelle dans ce pays».
L’argument des concepteurs de la réforme est que dans le futur système de santé, chacun agira comme un consommateur face à des produits d’assurance conçus par le marché, et non selon des directives étatiques. Selon eux les offres seront moins chères et plus adaptées. «Ce n’est pas notre travail d’obliger les gens à faire ce qu’ils ne veulent pas faire», a dit Paul Ryan sur CBS. La semaine dernière, Donald Trump aurait prédit en privé un «bain de sang» aux élections législatives de mi-mandat, en novembre 2018, si les républicains ne s’entendaient pas pour abroger «Obamacare».
Le président Trump serait donc prêt à négocier avec les ailes gauche et droite de son parti, d’après ses collaborateurs. «Il est prêt à accepter des améliorations», a dit son conseiller économique Gary Cohn sur Fox News dimanche. Mais le calendrier fixé est serré. Après avoir été adopté par deux commissions la semaine dernière, le projet sera débattu cette semaine à la commission du Budget, avant son examen en plénière à la Chambre. En cas d’adoption, ce sera au tour du Sénat d’en débattre, où d’ores et déjà, il manque trop de voix républicaines.
«J’appelle mes amis de la Chambre des représentants à ne pas commettre de suicide politique en votant pour un texte qui n’est pas capable d’être adopté au Sénat», a déclaré dimanche le sénateur républicain de l’Arkansas Tom Cotton. Cette étoile montante des conservateurs a prévenu qu’en agissant trop brusquement, les élus républicains risquaient «d’en subir les conséquences»… aux élections de 2018.
Le Quotidien/AFP