Bruxelles a ouvert mercredi la voie à des sanctions financières contre l’Italie en raison de sa dette colossale, relançant l’affrontement avec la coalition populiste au pouvoir, dont l’alliance tangue depuis les élections européennes.
Dans une décision annoncée mercredi, la Commission européenne recommande l’ouverture d’une « procédure pour déficit excessif » contre l’Italie « au titre de sa dette ». « Au lieu d’être réduite, la dette publique de l’Italie, qui représente une charge importante pour l’économie, a encore augmenté » en 2018, a souligné le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici.
Selon la Commission, cette dette pourrait atteindre de nouveaux records: 132,2% du PIB en 2018, puis 133,7% en 2019 et 135,7% en 2020, bien au-delà du seuil de 60% fixé par les règles européennes. Et le déficit structurel italien devrait s’aggraver en 2018, alors qu’une amélioration sensible était demandée.
L’ouverture d’une procédure pour déficit excessif ne sera effective qu’au terme d’un processus complexe nécessitant l’approbation des autres Etats membres. Mais elle peut aboutir à terme à des sanctions allant jusqu’à 0,2% de son PIB, soit environ 3,5 milliards d’euros. « Ma porte reste ouverte », a twitté en italien M. Moscovici, invitant au dialogue la coalition populiste au pouvoir en Italie, qui réunit la Ligue (extrême droite) et le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème), en désaccord sur l’attitude à adopter.
Un inversement du rapport de force
Constitué il y a un an, le gouvernement d’union, déjà handicapé par les profondes différences entre les deux alliés, chancelle depuis les élections européennes du 26 mai, qui ont renversé le rapport de force. Le M5S, qui avait obtenu 32,5% des voix aux législatives de mars 2018, a sombré à 17%, tandis que la Ligue Matteo Salvini, l’homme fort du gouvernement, est passé de 17 à 34% et entend désormais dicter l’agenda politique, en particulier sur les réponses face aux menaces européennes. « Je dirai à Bruxelles la semaine prochaine: « Laissez-nous faire ce que demandent les Italiens: moins de taxes et plus d’emplois », avait anticipé Matteo Salvini dès la semaine passée. « Et s’ils disent « non », nous verrons bien qui est le plus obstiné », avait-il lancé.
Des dissensions entre la Ligue et le M5S
Mais le ministre des Finances, Giovanni Tria, a lui reconnu, dans une lettre envoyée vendredi à la Commission européenne, « la nécessité » de réduire le déficit budgétaire afin de faire repartir à la baisse le ratio dette/PIB. « Le gouvernement élabore un programme d’ensemble pour revoir les dépenses actuelles », a-t-il assuré, promettant également un passage en revue des recettes, notamment fiscales.
Cette lettre a d’ailleurs donné lieu à un psychodrame entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles, quand le M5S s’est insurgé contre une première version ayant fuité dans la presse qui évoquait des coupes dans les mesures sociales du gouvernement. Le texte final n’en fait plus mention, mais relève que le coût de ces mesures -essentiellement le revenu de citoyenneté et l’abaissement de l’âge de la retraite- reste pour l’instant inférieur à ce qui avait été prévu dans le budget 2019.
Le gouvernement italien avait déjà eu maille à partir fin 2018 avec Bruxelles, qui avait rejeté son projet de budget, jugé non conforme aux règles européennes. Les deux parties avaient finalement assoupli leurs positions pour parvenir à un compromis opportun à quelques mois des élections européennes.
LQ / AFP