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Désespérés, des migrants afghans campent dans l’ancien aéroport d’Athènes


Une famille de migrants afghans, dans le camp de fortune dans l'ancien aéroport de Hellinikon, dans la banlieue balnéaire d'Athènes le 10 mai 2016. (Photo : AFP)

Depuis la fermeture des frontières en Europe il y a plus de deux mois, Musomeh est coincée comme des milliers de ses compatriotes afghans dans l’ancien aéroport de Hellinikon, dans la banlieue balnéaire d’Athènes.

Cette femme de 30 ans et ses enfants – un et six ans – ont dû être hospitalisés, victimes des conditions misérables du camp : «Il n’y a pas assez d’eau potable, et nous allons aux toilettes, qui sont sales, pour boire de l’eau. La majorité des femmes sont malades. Et la nourriture n’est pas bonne, il n’y a pas de fruits», se plaint-elle.

Elle habite dans une des dizaines de tentes du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) installées dans l’ancien aéroport, devenu un complexe olympique abandonné. «Je veux que les frontières ouvrent. J’ai de la famille en Allemagne», affirme cette femme originaire de Kaboul. A 200 mètres, l’ancien site de hockey est transformé en camp de fortune: petites tentes du commerce pour les plus chanceux, pour les autres, cartons, couvertures, panneaux en plastique suspendus pour assurer l’intimité des nombreuses familles.

A l’entrée du complexe, qui abritait il y a quinze ans l’ancien aéroport d’Athènes, un hangar porte toujours sur sa façade l’inscription défraîchie «arrivées». A l’intérieur, de jeunes Afghans, assis par terre, pianotent sur leurs portables. Des enfants courent entre matelas et tentes. Un groupe de femmes vient de rentrer d’une balade près de la mer, distante d’une centaine de mètres, où de nombreux migrants ont choisi de se laver.

Avenir sombre

«Nous demandons des chaussures mais tout est pour les Syriens et les Irakiens», déplore Musomeh, critiquant «la discrimination» de la politique européenne qui favorise ces deux nationalités alors que les Afghans figurent juste après sur la longue liste de nationalités de migrants arrivés en Europe. Le ministère grec de l’Immigration a démenti mercredi que la qualité de la nourriture ne soit pas bonne à Hellinikon, comme l’affirme l’ONG antiraciste KEEFA. Il a toutefois reconnu que les conditions «n’étaient pas idéales».

Le programme de «relocalisation», lancé par Bruxelles pour partager le fardeau migratoire entre les pays membres de l’UE, concerne surtout les Syriens et les Irakiens, et les Afghans en sont exclus. Il leur faut donc «soit demander l’asile en Grèce soit rentrer dans leur pays», résume devant les caméras lors d’une visite organisée pour la presse Shahim Badry de Kaboul, 31 ans. «Mais comment rester là? La situation économique en Grèce n’est pas bonne», lance-t-il. Ahmed Samer, 21 ans, explique que même la demande d’asile est compliquée. Elle doit être soumise via Skype «mais chaque fois que je me connecte, personne ne répond», dit-il.

Une Syrienne bloquée dans le camp d’Idomeni, au nord du pays, vient d’ailleurs de lancer une pétition contre la difficulté de ce système sur le site Change.org, et elle approche des 200.000 signatures. Ahmed, qui a quitté il y a cinq mois Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan, pour échapper à la guerre avec les talibans, se sent lui aussi «confus». «Nous voulons aller dans un pays sûr, personne ne nous dit ce qu’il faut faire, notre avenir est sombre», se désole-t-il.

Choix limités

La présence des médias anime la conversation: Ahmad Rezuye, un quinquagénaire, appelle ses compatriotes à sortir de leurs tentes pour protester. «Il n’y a pas que les Syriens qui sont en situation difficile. Il faut qu’ils nous acceptent comme réfugiés car nous avons des problèmes politiques dans notre pays», dit-il avec colère. «Pourquoi les organisations humanitaires ne s’occupent-elles pas de nous ?», s’interroge-t-il. Lui ne va pas faire de demande d’asile en Grèce, préférant compter sur «le marché de passeurs qui se porte bien actuellement» pour gagner l’Allemagne.

«La situation dans ce camp est déprimante, les gens sont mal soignés, frustrés et perdus», résume Laetitia Martin, responsable de communication de Médecins sans frontières. «C’est la honte, (la politique actuelle est) contre les droits de l’Homme», ajoute-t-elle. Christina Christidou, coordinatrice du camp, assure que les migrants sont quotidiennement informés par le HCR mais qu’ils sont «désorientés» depuis que la fermeture des frontières début mars leur a fait manquer leur objectif initial d’aller vers le nord de l’Europe, et à présent, «c’est difficile pour eux d’accepter que leurs choix sont limités».

Le Quotidien/AFP