Christiana Figueres, ancienne responsable de l’ONU, ne compte plus sur les entreprises liées aux énergies fossiles pour aider à lutter contre le réchauffement climatique.
L’ancienne responsable de l’ONU pour le climat Christiana Figueres dit «abandonner tout espoir» que les industries fossiles puissent contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, au moment où les négociations cruciales de la COP28 s’ouvrent à Dubai, puissant fief pétrolier. Parmi les principales négociatrices de l’accord historique de Paris en 2015, elle a longtemps défendu l’idée que les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz devraient «s’asseoir autour de la table» des négociations et apporter leur pierre à l’édifice, a-t-elle rappelé lors d’un entretien.
Mais «j’ai perdu tout espoir à ce sujet», a-t-elle expliqué, ajoutant qu’il est «impardonnable» que l’industrie fossile consacre ses bénéfices exceptionnels de ces dernières années aux dividendes des actionnaires et aux efforts de lobbying, plutôt que d’investir dans les technologies d’énergie renouvelable. Elle a également appelé à plus de transparence sur l’influence des combustibles fossiles sur les négociations de la COP, dont la présidence est assurée cette année par Sultan al-Jaber, qui est également à la tête de la compagnie pétrolière et gazière émirienne.
Christiana Figueres s’est alarmée par ailleurs des informations selon lesquelles les Émirats arabes unis auraient pour projet d’utiliser la COP28 pour conclure des accords sur le pétrole. Réagissant aux informations publiées cette semaine par la BBC – que Sultan al-Jaber a fermement démenties mercredi, les qualifiant de «fausses, pas vraies, incorrectes» – Christiana Figueres a déclaré que si ces affirmations étaient confirmées, elles constitueraient une «grave violation de la responsabilité de la présidence de la Conférence des Parties» (COP).
La COP28 n’«est pas une réunion visant à promouvoir les intérêts de l’industrie pétrolière et gazière», a-t-elle déclaré à PBS lors d’une interview pour l’organisation Covering Climate Now. «Il s’agit d’une réunion de tous les gouvernements du monde pour faire avancer la protection de la planète et de toute vie sur cette planète, précisément en raison des conséquences négatives de la plupart des activités de l’industrie pétrolière et gazière», a-t-elle souligné.
Débats agités attendus à la COP28
Les négociations mondiales sur le climat ont largement évité de mentionner les combustibles fossiles pendant des décennies, jusqu’à ce que la COP26 de Glasgow accepte de «supprimer progressivement» l’énergie au charbon non filtrée et «d’éliminer les subventions inefficaces aux combustibles fossiles». Depuis, une dynamique s’est créée autour d’une promesse plus ambitieuse d’abandonner tous les combustibles fossiles, et cette question devrait être au cœur de la COP28 et donner lieu à des débats agités.
Christiana Figueres a déclaré que l’essor sans précédent des énergies renouvelables et des véhicules électriques lui faisait ressentir un certain optimisme quant à la possibilité pour le monde d’atteindre ses objectifs en matière de climat. Elle reconnaît toutefois que le monde est désormais «terriblement proche» de la limite de 1,5 °C, l’objectif le plus ambitieux des accords de Paris, alors que les émissions continuent d’augmenter et qu’il est presque certain que cette année sera la plus chaude de l’histoire de l’humanité.
«Terriblement préjudiciable à la vie humaine»
Elle a appelé les dirigeants participant à la COP28 à répondre à un bilan mondial accablant sur les lacunes de l’action climatique en soulignant que les efforts déployés jusqu’à présent étaient «totalement insuffisants» et à redoubler d’efforts à l’avenir. «Mon indignation porte sur les subventions aux combustibles fossiles», a déclaré Christiana Figueres, ajoutant qu’elle serait également favorable à une taxation supplémentaire des bénéfices tirés des énergies fossiles, une suggestion défendue par les pays en développement confrontés aux conséquences les plus graves de l’accélération des phénomènes météorologiques extrêmes.
La priorité selon elle est de se concentrer sur la réduction de près de moitié des émissions d’ici à 2030. «Si nous ne respectons pas (ce) plafond, nous aurons un grave problème, car nous aurons très probablement ouvert la voie à une cascade de points de basculement dans les écosystèmes qui se répercuteront négativement les uns sur les autres», a-t-elle déclaré. «Et cela sera terriblement préjudiciable à la vie humaine, mais aussi à toutes les autres formes de vie sur cette planète.»