Ce samedi aura lieu la marche des fiertés dans les rues de Budapest malgré l’interdiction de la manifestation par la police.
Les organisateurs de la marche des fiertés de Budapest, prévue samedi malgré son interdiction par la police, n’ont jamais vu un tel afflux de bénévoles et espèrent désormais battre des records de mobilisation, en défi à Viktor Orban.
Le Premier ministre nationaliste leur avait conseillé «de ne pas prendre la peine de préparer le défilé cette année». «C’est une perte d’argent et de temps», avait-il averti avant de faire voter des changements législatifs visant à bannir la Pride au nom de «la protection des enfants».
L’interdiction a été formellement prononcée jeudi mais le rassemblement aura bel et bien lieu, a promis la mairie écologiste de Budapest, estimant qu’un tel évènement municipal ne nécessitait pas d’autorisation officielle.
«Ces querelles juridiques n’ont fait qu’accroître la colère et l’envie pour beaucoup d’exprimer leur solidarité», explique Csanad Sebesy, un étudiant de 25 ans. «C’est devenu une noble cause» de participer à la marche. Ils sont plus de 250 à avoir postulé, un record, malgré la menace d’amendes pouvant aller jusqu’à 500 euros.
«Je m’en contrefous de l’interdiction!», lance Marta Aleva, avocate mue par la volonté de braver un pouvoir qui ne cesse depuis 15 ans d’entraver les droits des personnes LGBT+. «Même s’il fait 30 degrés et que nous devons nous tartiner de crème solaire et d’anti-moustiques, nous devons en être», insiste-t-elle.
Emma Elefanti, ex-directrice de théâtre en pleine reconversion, est tout aussi combative. Après l’adoption de la loi, «soit je m’effondrais complètement, soit je trouvais un moyen d’aider», raconte la jeune femme, qui compte de nombreux proches affectés par la politique jugée homophobe du gouvernement.
Les condamnations sont aussi venues de Bruxelles et de nombreux pays des Vingt-Sept, tandis que quelques dizaines d’eurodéputés ont prévu de se joindre au cortège derrière une banderole commune. La commissaire européenne chargée de l’égalité, Hadja Lahbib, pourrait également être présente.
La mobilisation, malgré la pression
Conseils de sécurité, formation aux questions juridiques et aide des ONG en cas de contravention : il a fallu adapter cette année la préparation à cette donne inédite. Dans une petite salle aux murs recouverts de posters et symboles arc-en-ciel, en plein tri des gilets fluo, des bénévoles s’activent.
La cheffe de file des organisateurs, Viktoria Radvanyi, évoque «l’immense pression psychologique» ressentie par certains. Mais l’abattement a laissé la place à une forte mobilisation, confirme-t-elle, pronostiquant «la plus grande Pride» depuis sa création dans les années 1990. Plus de 35 000 participants sont attendus.
«Nous ne luttons pas seulement pour nous-mêmes», dit-elle, craignant en cas d’annulation du rassemblement hongrois un effet domino dans le reste de l’Europe orientale où les droits de la communauté LGBT+ restent fragiles. «Nous avons vu au cours de l’Histoire ce qui se passe lorsque des personnes privées de leurs droits baissent les bras».
Les autorités plaident de leur côté pour que la marche se déroule dans un lieu fermé, comme un stade ou un hippodrome, à l’abri du regard des mineurs. «Il n’est pas acceptable de défiler dans la ville en adoptant un comportement que nous estimons contraire aux droits des enfants», a argué Viktor Orban, son entourage disant ne pas vouloir de scènes de «débauche» comme lors de célébrations similaires ailleurs en Europe.
Malgré cette position ferme, les bénévoles ne se montrent pas très inquiets pour le jour J. Car à l’approche des législatives du printemps 2026, le dirigeant soucieux de stabilité devrait éviter de recourir à la violence, de l’avis des analystes. Pour Csanad Sebesy, les efforts du gouvernement sont de toute façon voués à l’échec.
«On ne peut pas changer les normes morales à coup de lois», estime-t-il, pariant sur «la tolérance» de la société. Avant le retour au pouvoir de Orban en 2010, la Hongrie était l’un des pays les plus progressistes de la région : l’homosexualité y avait été dépénalisée dès le début des années 1960 et l’union civile entre conjoints de même sexe reconnue dès 1996.