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Décès de Manuel Noriega, le dictateur panaméen renversé par les États-Unis


L'ancien dictateur purgeait trois peines de 20 ans de réclusion chacune pour la disparition d'opposants politiques sous son régime. (photo archives AFP)

L’ancien homme fort du Panama des années 80, Manuel Noriega, qui fut un agent de la CIA avant de tomber en disgrâce et d’être renversé par les États-Unis, est décédé dans la nuit de lundi à mardi à 83 ans après avoir été opéré d’une tumeur au cerveau.

« La mort de Manuel Noriega clôt un chapitre de notre histoire », a tweeté le président du Panama Juan Carlos Varela : « Ses filles et ses proches méritent un deuil en paix ». L’ancien dictateur purgeait trois peines de 20 ans de réclusion chacune pour la disparition d’opposants politiques sous son régime. Il est décédé à l’hôpital public Santo Tomas de Panama City où il avait été admis et opéré le 7 mars d’une tumeur bénigne au cerveau. Souffrant d’une hémorragie cérébrale après l’intervention, il avait dû être opéré à nouveau et était dans un état critique. Sa famille avait demandé à plusieurs reprises, en vain, une assignation à résidence permanente de l’ancien dictateur, qui a connu plusieurs hémorragies cérébrales, des complications pulmonaires, un cancer de la prostate et a souffert de dépression. Mais le gouvernement avait rejeté ses appels, affirmant que Noriega reviendrait en prison après l’intervention chirurgicale.

S’il faut caractériser Noriega, ce fut sa facilité à travailler avec différents services secrets en pleine guerre froide. Il travailla ainsi pour la CIA, mais tout allait ensuite changer et de fidèle allié des États-Unis, il devint pour ce pays un ennemi lié au trafic de drogue. Le président américain de l’époque, George Bush (1989-1992), ancien directeur de la CIA, ordonna l’invasion du Panama le 20 janvier 1989 pour s’emparer de Noriega. L’opération, intitulée « Cause juste », a fait officiellement 500 morts mais des ONG évaluent le nombre des victimes à plusieurs milliers.

« Transformé et corrompu » par le pouvoir

Manuel Noriega s’était réfugié à la Nonciature et se rendit le 3 janvier 1990. Il avait été condamné à 40 ans de prison aux États-Unis pour trafic de drogues et blanchiment de capitaux. Il n’a effectué toutefois que la moitié de sa peine pour bon comportement. Mais en 2010, il était extradé vers la France pour blanchiment d’argent et en 2011, extradé vers le Panama. Il est alors condamné à trois fois vingt ans d’emprisonnement pour la disparition et l’assassinat de l’opposant Hugo Spadafora en 1985, du militaire Moises Giroldi, après sa rébellion en 1989, et pour ce que l’on a appelé cette même année le « massacre d’Albrook » où périrent plusieurs militaires à la suite d’un soulèvement. Il était également impliqué dans des affaires de disparition quand il était chef de l’ancienne Garde nationale et l’homme fort du dirigeant nationaliste Omar Torrijos, qui était arrivé au pouvoir en 1968.

Mais Manuel Noriega a toujours démenti avoir participé à des crimes : « au nom de Dieu, je n’ai rien à voir avec la mort d’aucune de ces personnes. Il y a toujours eu une conspiration permanente contre moi, mais je fais face ici, sans lâcheté », déclarait-il encore récemment lors d’une audience devant la justice. En dépit du pouvoir et des secrets qu’il avait accumulés, tant sur son propre camp que sur des opposants, l’ancien militaire n’a jamais révélé les informations dont il pouvait disposer. Il n’avait plus d’influence politique. En 2015, Manuel Noriega avait présenté ses excuses à « quiconque se serait senti offensé, affecté, affaibli ou humilié par mes actions ».

« Tout l’a poussé au service des cartels du trafic de drogues. Pour moi, il s’agit de l’empreinte la plus macabre et désagréable » qu’il a laissée, avait déclaré récemment le général Ruben Dario Paredes, auquel Manuel Noriega avait succédé à la tête de la Garde nationale. « J’ai connu Noriega quand j’étais lieutenant et lui sous-lieutenant, s’est souvenu le général. Il était très attentif et normal, correct, discipliné, décent. Mais quand cet homme est devenu général, c’était devenu un autre pour toujours. Le pouvoir l’a transformé et corrompu ».

Le Quotidien/AFP