Les Égyptiens ont commencé à voter dimanche pour élire un Parlement qui va renforcer la mainmise du président Abdel Fattah al-Sissi sur le pays en l’absence de toute opposition, violemment réprimée depuis qu’il a destitué son prédécesseur islamiste Mohamed Morsi il y a plus de deux ans.
Le seul enjeu de ce scrutin législatif joué d’avance qui s’étale sur un mois et demi sera la participation, selon les experts: elle permettra de savoir si la grande popularité, le quasi-culte de la personnalité dont jouit l’ex-chef de l’armée depuis qu’il a mis une fin brutale à l’éphémère pouvoir civil des Frères musulmans s’effrite ou non dans un pays dont l’économie est en déliquescence.
Dans le bureau de vote installé dans une école primaire du quartier de Haram, au coeur de la capitale, une quarantaine d’électeurs sont entrés dans le calme à 9H00 (07h00 GMT), les femmes d’un côté, les hommes de l’autre. «Ce sera le Parlement du président», estime sans ambages Hazem Hosny, professeur de Sciences politiques à l’université du Caire. «Une chambre d’enregistrement», renchérissent unanimes les politologues et diplomates interrogés.
Car après avoir destitué le 3 juillet 2013 M. Morsi, le pouvoir de M. Sissi a tué plus de 1.400 manifestants islamistes réclamant le retour de leur président, le premier élu démocratiquement en Egypte, et emprisonné plus de 15 000 membre de sa confrérie des Frères musulmans. Des centaines (à l’instar de M. Morsi en personne) ont été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs vivement dénoncés par l’ONU.
L’opposition terrassée
Après avoir éradiqué de la scène politique les Frères musulmans, principale force d’opposition depuis près de neuf décennies, le nouveau régime a fait interdire et réprimer violemment toute manifestation de l’opposition laïque et libérale, faisant arrêter les principales figures de la jeunesse qui mena la révolte de 2011 ayant entraîné la chute de Hosni Moubarak.
Ce scrutin se déroule donc en l’absence de toute opposition, interdite, réprimée ou qui n’ose s’afficher de peur des représailles. Les innombrables affiches de candidats qui couvrent les murs de la capitale depuis quelques jours ne montrent que des candidats soutenant le président Sissi.
Les législatives, les premières depuis la dissolution en juin 2012 du Parlement dominé par les Frères musulmans, se déroulent dans une quasi-indifférence, une majorité d’Egyptiens étant ravis de la reprise en main du pays par un «homme fort» après trois ans de chaos consécutifs à la révolte de 2011.
D’ailleurs, M. Sissi ou son gouvernement n’ont pas eu besoin de battre la campagne, le président se contentant samedi d’appeler les Egyptiens à «une forte participation».
« Rempart » contre l’EI
Le président bénéficie également du soutien des pays occidentaux qui lui vendent massivement des armes, persuadés qu’il est –comme il le proclame– le principal rempart dans la région contre les jihadistes de l’Etat islamique (EI).
La branche égyptienne de l’EI, très active dans la péninsule du Sinaï frontalière avec Israël et Gaza, multiplie cependant les attentats très meurtriers depuis 2013, visant pour l’heure quasi-exclusivement l’armée et la police, en représailles notamment selon eux à la répression visant les islamistes.
Le scrutin à la fois uninominal et de liste, débute dimanche et lundi dans 14 des 27 provinces du pays et s’achèvera, pour les quelque 55 millions d’électeurs du plus peuplé des pays arabes, le 2 décembre. Il enverra 596 députés au Parlement.
«Les Egyptiens ont perdu tout intérêt pour le scrutin», estime M. Hosny, qui s’attend à un faible taux de participation.
Toutes les coalitions concourant pour le scrutin de liste soutiennent M. Sissi et comptent dans leurs rangs bon nombre d’anciens membres du Parti national démocrate (PND), la formation dissoute de M. Moubarak. «Pour l’Amour de l’Egypte», la principale alliance en lice, est cornaquée essentiellement par des hommes d’affaires multimillionnaires et des ex-ministres de Moubarak. Elle ambitionne de contrôler les deux-tiers du Parlement pour soutenir M. Sissi.
L’autre coalition qui pèse lourd est le Front égyptien, menée par le parti d’Ahmed Chafiq, dernier Premier ministre de M. Moubarak. Le parti salafiste Al-Nour est le seul parti islamiste en lice. Ouvertement pro-Sissi lui aussi.
AFP/M.R.