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Débat entre Asselborn, Gabriel et Ayrault : «L’Union européenne est imparfaite»


De g. à dr.: l'Allemand Sigmar Gabriel, Jean Asselborn et le Français Jean-Marc Ayrault. (photo JC Ernst)

Les ministres des Affaires étrangères luxembourgeois, allemand et français ont débattu de l’avenir de l’Union européenne, lundi, à l’Institut Pierre-Werner. Jean Asselborn, Sigmar Gabriel et Jean-Marc Ayrault ont abordé avec des jeunes issus de trois lycées les défis qui se présentent face à l’Union, au lendemain du 60e anniversaire des traités de Rome.

Cacophonie entre les différents États membres au sein même de l’UE, montée des populismes d’extrême droite, crise migratoire, voies d’immigration légales, Europe sociale, politique étrangère de l’UE dans le contexte de la globalisation, compétitivité économique, transition énergétique, développement durable, révolution numérique et «fake news», ou encore clivage entre pays du nord et du sud de l’UE : les chefs des diplomaties luxembourgeoise, allemande et française n’ont éludé aucune question.

Animée par le journaliste du magazine Der Spiegel Nils Minkmar, la soirée aura permis de véritablement faire le tour des problématiques cruciales qui touchent ce projet de paix vieux de 60 ans qu’est la CEE puis l’UE, et qui se révèle actuellement confronté à une situation de crise sans précédent, preuve que « l’histoire ne suit pas un schéma téléologique », dixit le président de l’Institut Pierre-Werner, Henri Grethen.

De son côté, le ministre Jean Asselborn a évoqué un triple projet – politique, pacifique et social – qui est mis à mal par la montée des populismes et par le manque de perspectives sociales, en évoquant par exemple les questions du chômage et de la pauvreté. Pour le locataire du Quai d’Orsay, Jean-Marc Ayrault, si l’UE est clairement « imparfaite », céder aux populistes qui veulent quitter l’Union obligerait à « repartir de zéro » et à faire une croix sur les acquis communautaires démocratiques glanés depuis la déclaration de Robert Schuman en 1950.

Ayrault : «Rendre l’UE plus attractive»

Dans ce sens, le ministre Ayrault n’a pas manqué de rappeler que là était l’objectif de « certains candidats à la toute prochaine présidentielle française ». Concrètement, le chef de la diplomatie française est d’avis qu’il faut soigner cette Union imparfaite « en vue de la rendre plus attractive », au lieu de vouloir « la détruire, pour ensuite devoir la reconstruire ».

Le ministre Sigmar Gabriel, quant à lui, a plaidé dans le sens d’une « Union qui parle d’une voix commune, afin d’être entendue ». D’autre part, le ministre Gabriel a évoqué l’erreur de jugement que feraient des partis comme le Front national et l’AfD, en déclarant que l’UE subtiliserait leur souveraineté aux États membres. « Or c’est tout à fait le contraire », a estimé le chef de la diplomatie allemande.

Sur un plan national, Sigmar Gabriel s’est également attaqué aux « histoires mensongères » qui mettent en avant le fait que l’Allemagne contribue plus au budget européen qu’elle ne reçoit de contreparties. « Nous créons de nombreux emplois en retour », a rétorqué le ministre. Selon Jean-Marc Ayrault, cette idée du déséquilibre afférent « des contributions nettes des plus grands États membres » est contraire à l’esprit de solidarité qui devrait prévaloir.

«L’Union ne voit pas la réalité en face»

À l’instar de l’attitude «égoïste» de certains États membres, au sujet de la crise migratoire et de l’accueil de réfugiés, qui a été mentionnée par un élève de l’établissement germano-luxembourgeois Schengen-Lycée situé à Perl, en Allemagne. « La politique hongroise menée en la matière est contraire aux valeurs communes de l’UE », a fustigé le ministre Ayrault, avant de mettre en exergue la problématique pendante des migrants économiques, notamment issus du continent africain. « L’UE commence à bouger sur ce point. Jamais nous n’avons autant parlé de la lutte contre la pauvreté en Afrique, que ce matin (lundi) au Conseil Affaires étrangères », qui s’est tenu à Luxembourg. De plus, le ministre a rappelé que « la chancelière fédérale allemande, Angela Merkel, invite les dirigeants mondiaux à insérer cette question au sein du G20 ».

Pour Jean Asselborn, le pire est que « l’Union ne voit pas la réalité en face » concernant la crise des réfugiés. « Si l’Allemagne avait réagi comme le fait la Hongrie, l’UE aurait explosé », a-t-il considéré. Sigmar Gabriel a quant à lui déploré la peur de la concurrence, aussi bien au niveau de l’emploi que du logement, voire « des places disponibles dans les écoles et les crèches ». Pour le ministre des Affaires étrangères allemand, la concurrence économique s’est muée en concurrence sociale et sociétale : « La concurrence est désormais partout », a-t-il jugé.

De quoi faire intervenir Jean Asselborn, qui a plaidé pour davantage de « courage dans l’élaboration de voies légales de migration ». Jean-Marc Ayrault, lui, a critiqué la faiblesse de l’agenda social et le manque de dialogue avec les partenaires sociaux, à l’échelle européenne. Avant, pour lui, d’appeler à l’instauration de « règles du jeu », notamment sur la question des travailleurs détachés, « règles qui doivent aller plus loin ».

Claude Damiani

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