Les dirigeants de sept pays africains et européens se retrouvent lundi à Paris pour un mini-sommet sur la crise migratoire, afin de faire le point et d’harmoniser les positions sur ce dossier souvent source de tensions.
Le président français Emmanuel Macron a convié ses homologues tchadien et nigérien, Idriss Deby Itno et Mahamadou Issoufou, ainsi que le chef du gouvernement d’entente nationale libyen Fayez al-Sarraj, dont les pays sont au coeur du transit de migrants d’Afrique et du Moyen-Orient vers les côtes européennes.
Pour l’Europe, seront présents la chancelière allemande Angela Merkel, les chefs de gouvernement italien et espagnol, Paolo Gentiloni et Mariano Rajoy, ainsi que la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Cette rencontre vise à «réaffirmer le soutien de l’Europe au Tchad, au Niger et à la Libye pour le contrôle et la gestion maîtrisée des flux migratoires», selon la présidence française.
Les Européens ont lancé depuis plusieurs années des programmes d’aide dans les pays africains, et conclu des accords parfois controversés, comme avec la Turquie, pour couper les routes de l’immigration illégale. En 2015, lors du sommet sur la migration à La Valette, l’UE avait déjà mis sur la table 1,8 milliard d’euros. Les Africains eux réclament davantage de soutien et se targuent de résultats, comme le Niger qui estime avoir réduit de 80% le flux migratoire à Agadez (nord), plaque tournante du trafic d’être humains.
« Des actions concrètes »
Mais d’autres routes migratoires commencent à reprendre, notamment du côté du Maroc ou de l’Espagne, et la tragédie humanitaire continue, avec des migrants livrés à la violence extrême des trafiquants, qui continuent à périr en mer (14.000 morts en Méditerranée depuis 2014). «La lutte contre l’immigration illégale se mène sur deux axes, le développement et le volet sécuritaire. Le sommet de Paris sera l’occasion de faire le point, et d’obtenir des appuis», indique l’entourage du président nigérien Issoufou.
«Nous sommes pressés de voir des actions concrètes pour que les candidats à l’immigration aient des alternatives et cessent de rêver d’Europe», ajoute cette source. L’UE a versé en juillet une aide de 10 millions d’euros au Niger pour lutter contre l’immigration clandestine, premier décaissement d’un programme décidé en 2016. Ce mini-sommet intervient après une multiplication d’initiatives européennes pendant l’été.
Côté français, Emmanuel Macron avait ainsi annoncé en juillet la création de «hostspots» –centres d’enregistrement des migrants– en Libye. Si la présidence française a vite fait machine arrière en raison des conditions de sécurité, une délégation de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides a été envoyée au Tchad et au Niger début août pour étudier la possibilité d’un dispositif, qui ne suscite pas l’enthousiasme des pays concernés.
Les associations inquiètes
«Ce n’est pas nouveau, ces centres de transit existent déjà et nous travaillons avec le Haut commissariat aux réfugiés et l’Organisation internationale des migrations», fait valoir la source nigérienne. Les associations regardent avec inquiétude ces projets: «on repousse la frontière européenne dans des pays de plus en plus lointains», affirme Eva Ottavy, de l’ONG française Cimade, pour qui «sous couvert de sauver des vies, on bloque l’accès au territoire».
De son côté, l’Italie, en première ligne dans la crise migratoire (plus de 600 000 migrants en provenance de Libye sur ses côtes depuis 2014), a durci le ton, imposant un code de conduite aux ONG ou menaçant de bloquer l’entrée de ses ports aux bateaux étrangers transportant des migrants secourus en mer. Rome rencontre aussi des représentants du sud de la Libye pour monter des projets de développement alternatifs au trafic de migrants qui génère, selon une estimation d’International Crisis Group, entre 1 et 1,5 milliard d’euros par an en Libye.
Le dirigeant libyen Fayez-al Sarraj qui ne contrôle qu’une faible partie du territoire en proie au chaos, devrait de son côté demander aux pays européens de faire pression pour lever l’embargo sur les armes imposé par l’ONU en 2011, afin d’équiper ses garde-côtes et les garde-frontières. Les dirigeants européens aborderont séparément lundi soir les dossiers européens et la lutte contre le terrorisme, après les attentats qui ont ensanglanté l’Espagne.
Le Quotidien/AFP