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Covid au Brésil : un drame sans fin


La gestion de la pandémie par le président Bolsonaro est régulièrement contestée au Brésil. (photo AFP)

Meurtri par la pandémie, le Brésil vit un drame sans fin, avec la menace d’une troisième vague dévastatrice en raison de la lenteur de la vaccination, du relâchement précoce des restrictions et de la circulation effrénée des variants.

Ce pays de 212 millions d’habitants devrait atteindre d’ici la fin du mois les 500 000 morts de Covid-19, avec un des pires taux de mortalité au monde, à plus de 220 pour 100 000 habitants. Certains épidémiologistes craignent que la troisième vague soit encore plus meurtrière que les deux premières.

Et contrairement aux pays européens, il n’y a pas de vraie accalmie entre les vagues : depuis la mi-mai, la courbe des décès s’est stabilisée sur un plateau très élevé, avec une moyenne autour de 2 000 morts quotidiennes. La courbe des contaminations, elle, a été en constante ascension ces dernières semaines, une conséquence directe de l’assouplissement des mesures de restriction touchant la population.

Cette augmentation du nombre des infections tandis que la mortalité reste élevée risque d’entraîner « une aggravation de la crise sanitaire », avertit la Fiocruz, institut de référence en santé publique, dans son dernier bulletin épidémiologique.

Au moment du pic de la deuxième vague, en mars et surtout début avril, quand le Brésil a connu des journées à plus de 4 000 morts, la plupart des maires et les gouverneurs des États ont imposé un couvre-feu et la fermeture des commerces non essentiels. Mais ces restrictions ont été levées au bout de quelques semaines, beaucoup trop tôt, selon les spécialistes. « Au Brésil, une hécatombe sanitaire sans précédent a fini par se banaliser. La plupart des gens vivent comme s’il n’y avait pas de pandémie », relève José David Urbáez, du Centre d’Infectiologie de Brasilia.

Autre source d’inquiétude : le variant Delta, apparu en Inde, avec des premiers cas confirmés ces dernières semaines au Brésil chez des personnes ayant séjourné dans le pays asiatique.

Concert de casseroles

La troisième vague risque d’atteindre le pays de plein fouet au moment de la Copa América, tournoi de football que le président d’extrême droite Jair Bolsonaro a décidé d’accueillir à bras ouverts après les désistements de l’Argentine et de la Colombie. La compétition doit débuter dimanche, mais des rumeurs de boycott des joueurs ont semé le doute et le maire de Rio de Janeiro a menacé de faire interdire les rencontres dans sa ville en cas d’aggravation de la situation sanitaire.

Et celle-ci n’est pas prête de s’améliorer, dans un pays où seulement 10,8% de la population a été immunisée avec deux doses de vaccin. Lors d’une allocution présidentielle mercredi dernier, Jair Bolsonaro a promis que « tous les Brésiliens » seraient vaccinés d’ici la fin de l’année, un objectif difficile à atteindre, selon les spécialistes. Dans ce discours télévisé chahuté par des concerts de casseroles assourdissants dans les grandes villes du pays, le président a dit que le Brésil était « un des pays qui ont connu la plus forte croissance économique lors du premier trimestre (+1,2%) » parce qu’il n’avait « obligé personne à rester à la maison ».

Malgré ces données économiques encourageantes, le chômage a atteint un niveau record au premier trimestre (+14,7%) et la situation sanitaire ne cesse de se dégrader.

« Si la vaccination ne parvient pas à compenser l’impact négatif du relâchement des restrictions, la troisième vague pourrait être forte », estime Mauro Sanchez, épidémiologiste de l’Université de Brasilia. Les bienfaits de la vaccination de masse ont été mis en évidence lors d’une expérience menée par l’Institut Butantan à Serrana, ville de 45 000 habitants de l’État de Sao Paulo (sud-est) où 95% des adultes ont été immunisés. Le nombre de morts de Covid-19 a chuté de 95%, et les hospitalisations de 86%. « La pandémie a été contrôlée à Serrana et on peut faire de même dans tout le Brésil », a déclaré le gouverneur de Sao Paulo Joao Doria, farouche opposant du président Bolsonaro.

LQ/AFP