Le président ivoirien Alassane Ouattara devait réunir lundi un conseil des ministres extraordinaire sur l’attaque jihadiste qui a fait 16 morts dimanche dans la station balnéaire de Grand-Bassam, le premier attentat de ce type à frapper le pays qui se savait visé.
«Des mesures devraient être prises notamment au niveau sécuritaire», a affirmé une source proche de la présidence, alors qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a revendiqué l’attaque.
Plusieurs zones d’ombre demeurent, notamment le nombre d’assaillants et leur identité. Le bilan de 16 morts, lui, pourrait s’alourdir. Vingt-deux personnes ont été blessées de source officielle et la presse ivoirienne faisait état de disparus. Parmi les 16 tués, on compte, de source officielle, des Ivoiriens et quatre personnes de «race blanche», notamment un Français et une Allemande. De source proche du dossier, des ressortissants du Liban, du Burkina Faso et du Mali figurent aussi parmi les morts.
« Nous sommes Grand-Bassam »
Vers 12h30 dimanche, plusieurs assaillants ont arpenté la plage en tirant et attaquant les hôtels et «maquis» aux cris «d’Allahu Akbar», selon les témoins. «Nous sommes Grand-Bassam», titrait lundi le journal ivoirien Le Patriote alors que le quotidien public Fraternité-Matin appelait à «L’Union, avant tout». La station balnéaire était encore sous le choc lundi. «Je n’ai pas dormi de la nuit. Je tremble encore en pensant à ce que j’ai vu hier. Là je vais chercher ma glacière à la plage mais j’ai peur qu’ils tirent encore», affirme Salata, vendeuse. «Si on ferme la plage ça va être dur pour nous», ajoute-t-elle, la voix tremblante.
Des centaines de personnes étaient venues voir lundi de leurs propres yeux le théâtre de l’attaque. Une femme en pleurs cherchait son fils, vendeur sur la plage: «Il n’est pas à l’hôpital, ni à la morgue. Je ne sais pas où il est. Il est handicapé». «Il faut vivre avec. Je suis choqué mais pas surpris parce que la menace terroriste, elle est partout où il y a l’empreinte occidentale, estime un client d’un hôtel. Le plus dur, c’est d’expliquer ce qui s’est passé aux enfants, leur faire comprendre comment des gens peuvent en tuer d’autres sans raison».
«Ces attaques lâches des terroristes ne seront pas tolérées en Côte d’Ivoire», avait martelé dimanche le président Ouattara, rendu sur les lieux. «Nous avons pris des mesures importantes (…) La situation est sous contrôle (…) nous continuons de renforcer la sécurité (…) sur tout le territoire ivoirien», avait-t-il assuré.
Le président ivoirien a loué l’action des forces de sécurité qui sont intervenues «45 minutes après» le début l’attaque «maitrisée» en trois ou quatre heures». Selon plusieurs sources sécuritaires, notamment occidentales, les forces de l’ordre sont effectivement intervenues «rapidement, contrairement à ce qui s’est passé à Ouagadougou» (le 15 janvier, ndlr). Il faut dire que la Côte d’Ivoire était prévenue: plusieurs services de renseignements occidentaux et africains avaient averti que le pays était dans le viseur, tout comme le Sénégal.
« Terreau » en Côte d’Ivoire ?
Les autorités en avaient pris acte, musclant les contrôles de sécurité dans le pays. Un plan anti-terroriste avait été mis en place et des «éléments des forces spécialisées, GIGN, FRAP et Forces spéciales, étaient et sont prépositionnées pour pouvoir intervenir rapidement sur tout le territoire», selon une source sécuritaire ivoirienne. «On s’y attendait mais on ne peut jamais prévoir où et quand! Un des grands sujets sera de connaitre la nationalité des assaillants, souligne une source occidentale. Si ce sont des Ivoiriens, c’est qu’il y a un possible terreau et là c’est très inquiétant. Ou ce sont des étrangers avec une opération montée de l’extérieur».
La Maison Blanche a salué la «bravoure» des forces de sécurité «ivoiriennes» mais aussi «françaises» qui ont permis «d’éviter un plus grand nombre de pertes de vies».
Les autorités françaises n’ont pas annoncé avoir participé aux opérations. La France dispose d’une base située justement entre Abidjan et Grand-Bassam, qui sert essentiellement aujourd’hui de soutien logistique à l’opération Barkhane de lutte contre les groupes sahéliens. Un journaliste de l’AFP a aperçu des militaires français armés à Grand Bassam et constaté la présence de gendarmes français.
Le Quotidien/AFP