Les députés sud-coréens ont voté vendredi la destitution de la présidente Park Geun-Hye, la privant de ses vastes pouvoirs exécutifs, conséquence d’un gigantesque scandale de corruption qui a précipité dans la rue des millions de personnes et paralysé le gouvernement.
L’adoption par l’Assemblée nationale de cette motion de destitution transfère l’autorité de Mme Park au Premier ministre. Mme Park conserve son titre le temps que la Cour constitutionnelle entérine ou non la destitution.
Ce processus pourrait prendre jusqu’à six mois, provoquant l’incertitude et la paralysie politiques à un moment de ralentissement de la croissance économique, de hausse du chômage et de menaces constantes du voisin nord-coréen. « Je suis tellement désolée pour tous les Sud-Coréens d’avoir créé ce chaos national par ma négligence », a-t-elle dit dans une adresse télévisée.
« Nous ne devons pas baisser la garde une seule minute, compte tenu de la gravité de la situation ici et à l’étranger, du point de vue économique et de la défense nationale », a-t-elle ajouté, demandant au gouvernement de s’unir pour minimiser les conséquences du vote.
Le texte a été adopté par 234 voix contre 56, soit largement la majorité des deux tiers des 300 votes nécessaires, ce qui a déclenché des manifestations de joie parmi les opposants à la présidente rassemblés devant l’Assemblée. Ce vote signe une étonnante disgrâce.
Mme Park est entrée à la Maison bleue, la présidence sud-coréenne, en affirmant ne rien devoir à personne et être « mariée à la nation ».
Cour constitutionnelle sous pression
Après un peu moins de quatre ans de mandat, elle affronte la perspective de devenir le premier chef de l’Etat sud-coréen démocratiquement élu à être mis dehors. Sur le papier, la Cour constitutionnelle –qui compte neuf juges nommés par Mme Park ou son camp, lui est favorable– mais cette instance sera soumise à une très forte pression de l’opinion pour valider son départ.
La motion de censure accuse Mme Park de violations de la Constitution et de délits pénaux, corruption, abus de pouvoir… L’adoption du texte, soutenu par l’ensemble des 171 députés indépendants et de l’opposition, a été rendue possible par les « oui » d’une faction rebelle au sein du parti conservateur de Mme Park, le Saenuri.
Les rênes du pouvoir sont transmis au Premier ministre Hwang Kyo-Ahn, un ancien procureur qui n’a jamais été élu. Il se retrouve soudain à la tête de la quatrième économie d’Asie et le commandant suprême de ses forces armées.
Quelques instants après le vote, M. Hwang a demandé au ministre de la Défense d’être très vigilant. « La Corée du Nord va certainement se livrer à des provocations pour semer le chaos au Sud dans ces moments graves », a-t-il dit, cité par un porte-parole. Cette destitution s’explique en bonne partie par les manifestations monstre qui ont vu des millions de Sud-Coréens en colère exiger le départ de la présidente.
Le Quotidien / AFP
Tradition de corruption
Le scandale qui fascine le pays et l’étranger est centré sur Choi Soo-Sil, amie proche de la présidente. Arrêtée début novembre, cette confidente de l’ombre attend son procès pour extorsion et abus de pouvoir.
La « Raspoutine » sud-coréenne est accusée d’avoir utilisé ses relations d’amitié avec Mme Park pour forcer les groupes industriels comme Samsung à verser environ 70 millions de dollars à des fondations douteuses, et de s’être servie de ces dernières comme tirelire personnelle. Elle est aussi soupçonnée de s’être mêlée des affaires de l’Etat.
La présidente est accusée de complicité et pour la première fois, un chef de l’Etat en exercice a été qualifié de « suspect » par le parquet. L’incertitude politique pourrait durer au-delà d’une éventuelle validation par la Cour constitutionnelle de la destitution de Mme Park.
Une présidentielle anticipée devrait alors être organisée dans un délai de 60 jours, et ni l’opposition ni le Saenuri ne sont particulièrement préparés à cette perspective. « C’est la première étape vers un retour à la normalité mais le chemin qui reste à parcourir est encore long », a commenté Park Kie-Duck, chercheur en sciences politiques à l’Institut Sejong.
Les soupçons de corruption collent comme un sparadrap depuis des décennies à la classe politique sud-coréenne, et la Maison bleue n’est jamais apparue comme un sanctuaire de probité. Depuis les premières élections libres en 1987, tous les présidents ont eu à répondre, après leur mandat, d’accusations de corruption touchant souvent leurs proches.