La plus haute instance judiciaire de Corée du Sud a entériné vendredi la destitution de la présidente Park Geun-Hye, emportée par un méga scandale de corruption qui a paralysé le pouvoir à un moment de fortes tensions régionales.
La décision unanime des juges de la Cour constitutionnelle signifie qu’une présidentielle anticipée doit être organisée sous 60 jours. Son annonce a entraîné des échauffourées dans lesquelles deux manifestants pro-Park ont trouvé la mort. La décision de la Cour va permettre à Séoul de tirer un trait sur un scandale qui l’empoisonne depuis des mois alors même que la Corée du Nord multiplie les tirs de missiles et les menaces, suscitant l’inquiétude de la communauté internationale.
Park Geun-Hye, 65 ans, fille du dictateur militaire Park Chung-Hee, était devenue en 2012 la première femme à présider son pays. Elle devient le premier chef de l’État de Corée du Sud à être limogé de la sorte. Elle perd son immunité, ce qui l’expose à d’éventuelles poursuites judiciaires. Elle doit dès à présent quitter la Maison Bleue, la présidence sud-coréenne. Ses agissements « ont porté gravement atteinte à l’esprit (…) de la démocratie et de l’État de droit », a déclaré la présidente de la Cour, Lee Jung-Mi : « La présidente Park Geun-Hye (…) a été congédiée ».
Ce scandale à tiroirs est centré sur la confidente secrète de Park, Choi Soon-Sil, elle-même jugée pour avoir soutiré des millions de dollars à de grands groupes industriels.
Opposants comme partisans s’étaient rassemblés pour entendre le jugement. « Nous avons gagné ! », s’écriaient les premiers en s’étreignant. « Je suis si heureuse que je ne peux contenir mes larmes. C’est une douce vengeance », a confié une femme 43 ans. A quelques centaines de mètres, séparés par d’imposantes forces de police, les soutiens de Park étaient sous le choc. « Nous n’acceptons pas cette décision », a lancé un sexagénaire. « Nous allons descendre dans la rue pour lutter jusqu’au bout. »
Elle a « trahi la confiance du peuple »
Des échauffourées ont éclaté alors que les partisans de Park tentaient de franchir les barricades de la police pour atteindre le tribunal. Les policiers -plus de 20 000 avaient été déployés dans la capitale- ont usé de gaz poivre pour tenter de ramener le calme. Deux manifestants sont morts, l’un apparemment lorsqu’un haut-parleur lui est tombé sur la tête. D’après la Cour, Park a enfreint la loi en permettant à son amie de se mêler des affaires de l’État, et elle a contrevenu aux règles de la fonction publique. « Les violations par Mme Park de la Constitution et des lois ont trahi la confiance du peuple », dit l’arrêt. Ses agissements constituent « une violation grave et inacceptable de la loi ».
Le propre parti de Mme Park, Liberté Corée, a présenté ses excuses, son président par intérim estimant qu’il avait « échoué à protéger la dignité et la fierté de la Corée du Sud ». Pour Kwon Seong-Dong, député au premier rang de la fronde anti-Park, ce jugement confirme « la règle de droit qui veut que tous, y compris le président, soient égaux devant la justice ».
Les candidats peuvent d’ores et déjà déposer leur candidature à la présidentielle qui devrait avoir lieu le 9 mai, a annoncé la Commission électorale nationale. Le vainqueur devra traiter avec le rival du Nord, dont les dernières provocations sont un défi pour la communauté internationale. Pour l’instant, Moon Jae-In, ex-leader du Parti démocratique d’opposition, tient largement la corde, avec le soutien de 36,1% des électeurs, selon un récent sondage, le président par intérim conservateur Kwang Kyo-Ahn arrivant loin derrière.
Le Quotidien/AFP