Les combats qui opposent des rebelles musulmans rohingyas et l’armée birmane dans le nord-ouest du pays ont fait au moins 400 morts en une semaine et poussé plus de 47 000 personnes à fuir vers le Bangladesh.
L’armée birmane a annoncé vendredi sur sa page Facebook que « les corps de 370 terroristes avaient été trouvés » et que 15 soldats et 14 civils avaient aussi été tués dans ces opérations. Le dernier bilan il y a deux jours faisait état de 110 morts. Le point de départ de ces violences a été l’attaque vendredi dernier (25 août) d’une trentaine de postes de police par la rébellion naissante, l’Arakan Rohingya Salvation Army.
Depuis, l’armée birmane a lancé une grande opération dans cette région très pauvre et reculée. Cette reprise des violences a jeté sur les routes des dizaines de milliers de Rohingyas : selon les derniers chiffres donnés vendredi par l’ONU, 27 400 personnes sont arrivées au Bangladesh depuis vendredi dernier et 20 000 seraient bloquées à la frontière. Ces réfugiés sont quasiment tous des Rohingyas. Et comme lors de la dernière explosion de violence en octobre dernier, l’armée est accusée d’exactions.
Chaos et exactions
Originaire du village de Kyet Yoe Pyin, une jeune Rohingya a raconté que le cauchemar qu’a vécu son village quand l’armée est arrivée. « L’armée et des complices bouddhistes sont venus dans notre village et ont cruellement assassiné les hommes, les femmes et les enfants », a confié par téléphone cette jeune Rohingya de 23 ans, tout juste réfugiée au Bangladesh. Des survivants du village de Chut Pyin ont raconté à l’ONG locale Fortify Rights que pendant près de cinq heures l’armée avait semé le chaos. « Mon frère est mort brûlé. Nous avons trouvé les autres membres de ma famille dans les champs. Ils avaient des marques d’impact de balles et certains des blessures par arme blanche », a raconté Abdul Rahman, 41 ans.
La région est bouclée depuis octobre par l’armée et aucun journaliste ne peut s’y rendre de façon indépendante. Une partie de ceux qui ont réussi à fuir les combats se retrouvent bloqués à la frontière avec le Bangladesh, sans aucune ressource, une situation humanitaire jugée sérieusement préoccupante par l’ONU. Son envoyée spéciale pour les Nations unies en Birmanie, Yanghee Lee, a réclamé que le cycle de la violence soit « rompu de manière urgente ».
Risque de radicalisation
Plus de 400 000 réfugiés rohingyas se trouvent déjà au Bangladesh après avoir fui lors des vagues de violences précédentes. Et le pays, qui ne veut plus en accueillir davantage, a fermé sa frontière. Désespérés, nombre de Rohingyas tentent donc leur chance à la nage ou sur des rafiots de pêche à travers la rivière Naf, qui marque une frontière naturelle entre la Birmanie et la pointe sud-est du Bangladesh. Les flots de ce cours d’eau peuvent être particulièrement capricieux en cette période de mousson en Asie du Sud. Dix-huit corps ont retrouvés vendredi sur la rive bangladaise de la rivière. Au total, ces derniers jours 41 se sont échoués, a indiqué un officiel de la région de Cox’s Bazar.
Des centaines d’autres villageois de l’ethnie Rakhine, bouddhistes, ont également fui leurs habitations pour rejoindre les villes birmanes hors de la zone des troubles.
Une commission internationale dirigée par l’ex-secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a récemment appelé la Birmanie à donner plus de droits à sa minorité musulmane des Rohingyas, qui compte environ un million de personnes, faute de quoi elle risque de « se radicaliser ». Mais le pouvoir birman, emmené par l’ex-dissidente Aung San Suu Kyi, est jusqu’ici sur une ligne dure, dans le sillage de l’armée. La lauréate du prix Nobel de la paix a accusé lundi les « terroristes » rohingyas, qui mènent ces attaques meurtrières dans l’ouest du pays, d’utiliser des enfants soldats et de mettre le feu à des villages.
Le Quotidien/AFP