Les autorités singapouriennes ont reconnu que les données recueillies par l’application de traçage des malades du coronavirus ont pu être consultées par la police malgré des assurances fournies sur la confidentialité des données lors du lancement du dispositif, suscitant la colère des défenseurs des droits.
La cité-État avait lancé « TraceTogether », un programme de traçage des personnes en contact avec des malades du Covid-19 téléchargeable sur smartphone ou fonctionnant avec un boîtier dédié, en promettant de n’utiliser les données que pour la lutte contre la pandémie.
Mais un haut fonctionnaire a reconnu cette semaine devant le Parlement que la police pouvait « obtenir n’importe quelles données », y compris celles recueillies par l’application, au cours d’une enquête judiciaire. Le ministre des Affaires étrangères Vivian Balakrishan a précisé ensuite que ces données n’avaient été, à sa connaissance, divulguées que dans un cas, pour une enquête pour meurtre.
Devant le Parlement, le ministre a souligné mardi que le gouvernement « voulait être complètement honnête et transparent » en rendant publiques ces informations.
« Le droit à la confidentialité » bafoué
Le dispositif de traçage avait dans un premier temps été peu adopté à cause d’inquiétudes sur la confidentialité des données. Mais près de 80% des habitants l’ont utilisé après les assurances du gouvernement et la décision de le rendre obligatoire pour accéder à certains lieux publics comme les centres commerciaux. L’organisation Human Rights Watch a accusé le gouvernement singapourien, critiqué régulièrement pour réprimer les libertés civiles, de « saper le droit à la confidentialité ».
Ces informations « révèlent comment le gouvernement a exploité secrètement la pandémie pour renforcer sa surveillance et son contrôle sur la population », a souligné Phil Robertson, le directeur de l’ONG pour l’Asie.
« Au vu du bilan du gouvernement, je pense qu’il était assez prévisible que si (une telle surveillance) devenait possible, le gouvernement le ferait », a observé la militante et journaliste indépendante Kirsten Han. « Il est injuste que notre vie privée soit aussi peu protégée face au gouvernement », a-t-elle déploré.
Les internautes ont aussi exprimé leur colère, et certains Singapouriens se sont dit trahis sur les réseaux sociaux.
Le riche pays d’Asie du Sud-Est a été épargné par la pandémie avec quelque 58 000 cas, essentiellement chez les travailleurs migrants, et 29 morts.
LQ/AFP