Les ambitieux objectifs climatiques européens pour 2030 ont « du plomb dans l’aile », a averti lundi la Cour des comptes de l’UE, pour qui « peu d’éléments » prouvent que les actions et financements prévus seront suffisants pour les atteindre.
Le plan climat de l’Union européenne (UE) prévoit une réduction de 55%, par rapport à 1990, des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, assortie de gains d’efficacité énergétique et d’un objectif contraignant de 42,5% de renouvelables dans la consommation d’énergie.
Certes, l’UE a globalement atteint les objectifs climat et énergie qu’elle s’était fixée pour 2020. Mais « elle y est parvenue notamment grâce à des facteurs externes », comme la crise financière de 2009 et la pandémie de Covid-19 qui ont réduit la consommation et les émissions de CO2, relève la Cour dans un rapport.
« L’inquiétude plane » sur les années à venir : « Nous n’avons trouvé que peu d’éléments laissant penser que les ambitieux objectifs 2030 donneront lieu à des actions suffisantes. Rien n’indique qu’un financement suffisant sera à disposition », relève l’institution basée au Luxembourg.
Dans son précédent budget 2014-2020, l’UE était censée consacrer 20% au climat, mais selon les auditeurs, seuls 13% y ont été réellement dédiés.
Désormais, l’UE s’est engagée à consacrer au moins 30 % de son budget 2021-2027 à l’action climatique, soit 87 milliards d’euros par an.
Même s’il est respecté, « ce montant représente moins de 10% du total des investissements nécessaires, estimés à 1.000 milliards annuels. Le reste devrait provenir de fonds nationaux et privés », précise le rapport.
Or, il n’y a aucune assurance sur ces derniers, faute de détails : les données disponibles sur les besoins en investissements et sources de financement « ne suffisent pas à déterminer si les plans (climatiques) nationaux fournissent une base solide » en vue de 2030, déplore la Cour.
« Ces plans ne disent pas grand chose sur la manière de combler l’écart (de financements). Nombre de signaux ne nous rendent pas optimistes, il est clair qu’il faut davantage d’efforts », a observé l’auditeur Lorenzo Pirelli devant la presse.
« Manque de transparence »
Écueil majeur : « le manque de transparence » en raison des « flexibilités » accordées aux États pour atteindre leurs objectifs nationaux.
Pour atteindre les niveaux-cibles de 2020, plusieurs pays ont ainsi dû acheter des quotas d’émissions ou des parts d’énergie renouvelable auprès d’autres États qui avaient, eux, dépassé leurs objectifs.
En avril 2023, la France n’avait pas encore acheté les parts manquantes pour atteindre son objectif de renouvelables, cas unique dans l’UE.
Cinq autres pays (Slovénie, Irlande, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg) n’ont pu compter sur leur seule production de renouvelables, n’atteignant leur objectif que grâce aux flexibilités permises par Bruxelles (achat d’énergie auprès d’autres Etats, projets communs inter-étatiques…).
Mais sans transparence sur leur « rapport coût-efficacité », déplore la Cour.
Autre source d’inquiétude : « les plans nationaux ne sont pas suffisamment ambitieux » pour atteindre l’objectif collectif d’efficacité énergétique que se sont fixés les Vingt-Sept à l’échelle de l’UE.
« À l’aveugle »
Enfin, la Cour recommande de comptabiliser toutes les émissions de gaz à effet de serre générées par l’UE, y compris celles liées aux marchandises importées ainsi qu’au transport aérien et maritime. Si ces dernières étaient incluses, les émissions de l’UE augmenteraient d’environ 10 % estime le rapport.
C’est pourtant un « élément crucial » dans la transition vers la neutralité carbone que vise l’UE à horizon 2050, insiste Joëlle Elvinger, responsable de l’audit.
Le premier rapport, également publié lundi, de l' »Observatoire européen de la neutralité climatique », structure créée par plusieurs think-tanks européens (groupes de réflexion), appelle également l’UE à accélérer ses efforts si elle veut atteindre ses objectifs climatiques.
Il pointe la réduction trop lente des combustibles fossiles dans la production d’électricité, le rythme insuffisant de baisse des émissions des bâtiments et la persistance de subventions massives des États de l’UE aux énergies fossiles – qui ont « explosé » en 2021-2022 face à la flambée des cours – au risque « de mettre en péril l’ensemble de la transition ».
Plus généralement, « l’UE doit se doter de processus efficaces de collecte de données et de suivi des progrès, pour que nous n’avancions pas à l’aveugle », prévient Eike Karola Velten, de l’Ecologic Institute à Berlin, auteur principal du rapport.