Nouveau coup de semonce à 10 jours de la COP27 : les engagements internationaux laissent la Terre sur la trajectoire d’un réchauffement de 2,6°C, un résultat « pitoyablement pas à la hauteur » pour le patron de l’ONU, qui appelle à cesser le « greenwashing ».
Et les politiques de réductions telles qu’actuellement menées par les États, incapables de tenir leurs propres engagements, nous conduisent vers un réchauffement de 2,8°C, alors que l’année 2022 a déjà vu se multiplier les impacts du changement climatique – inondations dramatiques, sécheresses, canicules ou feux de forêts, rappelle le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) dans un rapport analysant les engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Or l’accord de Paris, principal traité de lutte contre le réchauffement conclu en 2015, fixe pour objectif de contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C » et si possible à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. Époque où les humains ont commencé à utiliser en quantité les énergies fossiles qui produisent les gaz à effet de serre responsables du réchauffement, qui atteint déjà près de 1,2°C.
La dernière COP26, il y a un an à Glasgow, avait appelé les près de 200 pays signataires de l’accord à renforcer leurs lettres d’engagement détaillant leurs plans de réduction des émissions, appelées techniquement les « contributions déterminées au niveau national » (NDC).
Mais à fin septembre, seuls 24 pays avaient déposé des NDC nouvelles ou révisées, qui ne contribueraient à réduire les émissions en 2030 que d’un petit point de pourcentage supplémentaire, selon les calculs du PNUE, qui prévient que « le monde se précipite vers une augmentation de la température bien au-dessus de l’objectif de l’accord de Paris ».
Pitoyable
Des engagements « pitoyablement pas à la hauteur », a lancé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres dans un message vidéo cinglant. « Nous nous dirigeons vers une catastrophe mondiale ».
Le rapport calcule qu’à fin septembre, le cumul des engagements sans condition (d’actions ou de financements extérieurs) « donne 66% de chances de limiter le réchauffement à environ 2,6°C à la fin du siècle ».
La mise en œuvre effective des engagements actuels se traduirait par une baisse des émissions mondiales de 5% (NDC sans condition) ou 10% (NDC conditionnelles) en 2030 par rapport à aujourd’hui. Là où il faudrait qu’elles chutent de 30% pour tenir l’objectif de 2°C, et de 45% pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Soit de trois à neuf fois plus!
En comptant les engagements nationaux de « neutralité carbone » qui se sont récemment multipliés, souvent à horizon 2050, la hausse pourrait même être contenue à 1,8°C, revenant dans les clous de Paris. Mais « ce scénario n’est actuellement pas crédible », tempère immédiatement le rapport.
M. Guterres a été plus direct: « Les engagements à la neutralité carbone ne valent rien sans des plans, des politiques et des actions pour les soutenir », a dénoncé le patron de l’ONU. « Notre monde ne peut plus se permettre de faire du greenwashing, d’avoir des faux-semblants, des retardataires ».
« Année gâchée »
Un autre rapport, publié mercredi par l’agence ONU-Climat, avait aussi pointé des engagements « très insuffisants », tout en relevant que les émissions pourraient baisser à partir de 2030.
Mais 2022 aura été « une nouvelle année gâchée », a commenté à l’AFP Anne Olhoff, auteure principale du rapport du PNUE. « Ce qui ne veut pas dire que tous les pays ne prennent pas les choses au sérieux. Mais globalement, c’est très loin d’être satisfaisant ».
Car pour atteindre les « coupes massives » nécessaires, soit autour de 7% de réduction mondiale des émissions par an, l’ONU souligne qu’il n’est plus temps d’adopter une stratégie du « pas à pas ». Au contraire, « une transformation de grande envergure, à grande échelle, rapide et systémique est désormais essentielle ».
Dans l’énergie, cette transformation est en route, selon l’Agence internationale de l’Énergie (AIE), dont le directeur Fatih Birol entrevoit désormais « la fin de l’âge d’or du gaz », effet paradoxal de la crise déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui force l’Europe à se passer du gaz russe.