Une trentaine de chefs d’Etat africains se réunissent mercredi en sommet à Marrakech, en marge de la COP22, à l’initiative du Maroc qui entend y défendre les intérêts de l’Afrique face au réchauffement, mais aussi réaffirmer sa stratégie d’influence sur le continent.
Alors que la 22e conférence sur le climat bat son plein, ce sommet de « l’action africaine », selon ses organisateurs, veut « donner une nouvelle impulsion » à la lutte contre le réchauffement et à la « construction d’un modèle de développement durable » sur le continent.
Pour le roi Mohammed VI, qui a accueilli mardi à Marrakech près de 180 chefs d’Etat et ministres, la COP22 est « un tournant décisif dans le processus de mise en oeuvre de l’accord historique de Paris » sur le climat signé l’an dernier.
Pour les pays du Sud, particulièrement exposés au réchauffement, il s’agit désormais de pouvoir « bénéficier d’un soutien financier et technique urgent » pour « renforcer leurs capacités et s’adapter aux changements climatiques ».
Et d’obtenir des pays avancés qu’ils honorent leur promesse de mobiliser cent milliards de dollars d’ici à 2020 au bénéfice des pays en voie de développement, a prévenu le souverain.
Les pays du continent doivent également s’assurer de « l’implication de tous » dans le transfert de technologie, « la recherche et de l’innovation dans le domaine du climat ».
Pour cela, le sommet sera l’opportunité pour les pays africains « de se coordonner et de parler d’une seule voix pour défendre leurs positions », selon une source diplomatique marocaine haut placée.
Une trentaine de chefs d’Etat ont fait le déplacement, parmi lesquels les traditionnels alliés du royaume au sud du Sahara (Sénégal, Gabon, Côte d’Ivoire…), les pays ayant des relations suivies avec Rabat, ainsi que le Nigérian Muhammadu Buhari.
L’Afrique de l’Est sera représentée par le Kényan Uhuru Kenyatta et le Rwandais Paul Kagame, qui affiche depuis six mois sa proximité avec Mohammed VI. A noter les absences du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et du Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, initialement annoncés. Le Zimbabwéen Robert Mugabe, ainsi que le Soudanais Omar El-Béchir, recherché par la Cour pénale internationale (CPI), seront présents.
Le président français François Hollande devrait s’exprimer à ce sommet.
Toujours sur le climat, ce sommet est pour l’hôte marocain l’occasion de vendre son initiative Triple A en faveur de l’agriculture africaine, basée en partie sur l’accroissement de la fertilité des terres, alors que le pays – avec ses importantes réserves de phosphate – est l’un des principaux producteurs d’engrais au monde.
Mais l’enjeu clé pour le royaume est surtout diplomatique. En réunissant une brochette de leaders africains sur son sol, le Maroc entend démontrer son engagement très fort en Afrique, désormais au coeur de sa diplomatie. Avec comme principal enjeu la question du Sahara occidental, et comme objectif à court terme la réintégration du Maroc au sein de l’UA.
Mohammed VI enchaîne ces derniers mois les tournées diplomatiques sur le continent, non plus seulement dans sa traditionnelle zone d’influence ouest-africaine ou chez son ami le président gabonais Ali Bongo. Il revient d’un long périple au Rwanda et en Tanzanie, et devrait se rendre à Addis Abeba après la COP22.
Geste symbolique, il a prononcé son traditionnel discours du Trône le 6 novembre depuis Dakar, proclamant que « le Maroc est de retour pour retrouver sa place naturelle » en Afrique. La diplomatie marocaine, qui a procédé récemment à un important redéploiement, entend désormais exercer son influence sur tout le continent.
L’objectif affiché est de rallier le maximum de soutien sur la question du Sahara occidental, ex-colonie espagnole contrôlée depuis 1975 par Rabat, et dont le Front Polisario, soutenu par Alger, réclame l’indépendance.
Dans l’immédiat, il s’agit d’obtenir la réintégration du Maroc au sein de l’UA, organisation que Rabat avait quittée en 1984 pour protester contre l’admission de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) du Front Polisario.
Ce retour, annoncé à la mi-juillet par Mohammed VI et dont la demande a été formalisée officiellement en septembre, donne lieu actuellement à une sourde lutte d’influence avec le rival algérien, toujours autour de la question du Sahara.
Il doit être acté par un vote, et plusieurs questions en discussion, comme le nom du futur président de la Commission de l’UA (son organe exécutif), pourraient en influencer l’issue de façon décisive, alors que le prochain sommet de l’UA est prévu début 2016 à Addis Abeba.
Le Quotidien / AFP