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Climat : la désobéissance civile, ça s’apprend


A Londres, les militants n'hésitent pas à se coller à la glu, comme ici dans le métro, pour empêcher la police de les déloger. (photo AFP)

Jouant le rôle d’un policier anti-émeute dispersant un rassemblement pacifique mais illégal devant l’Assemblée nationale française, Axel lutte pour déloger une femme insaisissable au milieu d’un enchevêtrement de bras et de jambes d’autres militants.

Comme un bernique accroché à son rocher, aucune prise, c’est peine perdue. Cette formation d’une journée organisée par une ONG est là pour ça : apprendre à se comporter face à des citoyens ayant décidé de transgresser les lois et de passer à la désobéissance civile, principalement pour la cause climatique. Depuis octobre, les mouvements citoyens pour le climat et la défense de la nature se multiplient en Occident principalement. Des lycéens et étudiants descendent ainsi dans la rue chaque vendredi à l’appel de la jeune Suédoise Greta Thunberg.

Et à partir de ce lundi, le réseau Extinction Rebellion né au Royaume-Uni appelle à une semaine de rébellion à travers le monde, promettant notamment de « paralyser » Londres en bloquant la circulation dans des lieux emblématiques comme le pont de Waterloo. Surnommé XR, le groupe s’inspire du mouvement américain des droits civiques et de l’indépendance de l’Inde. Si le déclic ayant provoqué leur expansion rapide est mystérieuse, plusieurs participants à la formation citent le récent rapport alarmant des scientifiques du GIEC qui prévient que seul un changement radical de la société, notamment des systèmes énergétiques et de transports, peut limiter l’ampleur du dérèglement climatique.

« J’anime plusieurs sessions par mois depuis au moins six mois », explique Rémi Filliau, formateur de l’ONG Les Désobéissants. « Avant, c’était beaucoup moins ». Pendant la simulation, il explique à Axel comment déloger sa proie : se plaçant derrière, il place son index sous le nez de la jeune femme et tire brusquement. Ses bras relâchent leur prise instantanément, permettant au faux policier de l’extirper en quelques secondes, la traînant sur le sol pour la placer en détention. « Les policiers ont le droit d’utiliser cette technique », assure Rémi Filliau à sa classe. « Mais ils n’ont pas le droit de chatouiller, c’est considéré comme du harcèlement sexuel ».

Être prêt(e) à se faire arrêter

Assis en rond, les élèves sont d’abord invités à réfléchir sur les lignes qu’ils sont prêts ou non à franchir et les risques qu’ils sont prêts à prendre, à se placer autour du cercle en fonction de leur réponse. Scénario 1 : s’introduire masqués dans une exploitation agricole pour détruire des plants expérimentaux de maïs génétiquement modifiés. Questions : seriez-vous prêts à le faire et est-ce un acte violent ?

Si les participants s’opposent tous aux OGM, leurs réponses divergent. Sur les deux-tiers qui estiment l’action « non violente », seulement la moitié seraient prêts à franchir le pas. Quant à ceux qui qualifient l’opération de violente, certains sont prêts à la mener malgré tout. Un débat tendu s’ensuit, les élèvent se déplacent sur le cercle si leur avis évoluent. Certains assurent que la destruction de biens n’est pas de la violence, d’autres répondant que l’agriculteur ne verrait certainement pas ça de cette façon, et d’autres encore que ce dernier serait de toutes façons assuré.

Scénario 2 : même action en plein jour et sans masque, en présence des médias prévenus en amont, et en restant sur place pour faire face aux conséquences, y compris une possible arrestation. Là, la réponse est claire : c’est pour eux ce qu’il faut faire.

« Il faut légitimer l’action aux yeux du public », explique Rémi Filliau, évoquant de telles campagnes précédemment en France notamment contre les OGM. « Il faut assumer ce que l’on fait ». « Si tu n’es pas prêt à être arrêté par la police, il ne faut pas venir », lance-t-il encore, en référence à une opération de blocage prévue vendredi dans la région parisienne, dont les détails sont tenus secrets. « Défiler dans les rues n’est plus suffisant », commente Julie, étudiante venue de Reims. « Mais je ne suis pas sûre d’être prête à me faire arrêter ».

LQ/AFP