La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu ce mardi un jugement historique en condamnant pour la première fois un État pour inaction climatique, en l’occurrence la Suisse. Une décision juridiquement contraignante qui devrait faire jurisprudence dans les 46 États membres du Conseil de l’Europe.
« L’arrêt d’aujourd’hui est un arrêt historique et nous sommes vraiment très très heureuses d’avoir porté ceci jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme », a lancé Anne Mahrer, l’une des militantes écologistes suisses qui ont fait condamner Berne. « Maintenant, nous allons être extrêmement attentives a ce que la Suisse mette en oeuvre la décision. »
Greta Thunberg, présente à Strasbourg, a salué « le début » en matière de contentieux climatiques.
« Partout dans le monde, de plus en plus de gens traînent leurs gouvernements devant les tribunaux pour les tenir responsables de leurs actions. En aucun cas nous ne devons reculer, nous devons nous battre encore plus parce que ce n’est que le début », a lancé la jeune militante suédoise pour le climat.
Alors que le mois de mars a battu un nouveau record mondial de chaleur, la décision de la Cour était très attendue : la CEDH ne s’était encore jamais prononcée sur la responsabilité des États en matière de changement climatique.
Mais la présidente de la CEDH, l’Irlandaise Siofra O’Leary, a rendu trois conclusions différentes sur la même thématique.
Si la Suisse a été condamnée, deux autres requêtes ont été rejetées : celle d’un ancien maire écologiste d’une commune littorale du nord de la France, et surtout celle très médiatisée de jeunes Portugais contre 32 États.
« Obligation juridique »
La première affaire était portée par les « Aînées pour la protection du climat » (2.500 Suissesses âgées de 73 ans en moyenne). Elles dénonçaient des « manquements des autorités suisses pour atténuer les effets du changement climatique », qui ont des conséquences négatives sur leurs conditions de vie et leur santé.
La Suisse « a l’obligation juridique de mettre en œuvre cet arrêt », a déclaré l’avocat de Berne, Alain Chablais. « Il faudra un certain temps pour déterminer quelles mesures seront prises » par le gouvernement suisse, a-t-il poursuivi, tout en estimant que « cet arrêt va faire jurisprudence ».
La CEDH, qui fait respecter la Convention européenne des droits de l’homme, a dit qu’il y avait eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et de l’article 6 (accès à un tribunal).
La Cour affirme ainsi que l’article 8 consacre le droit à une protection effective, par les autorités d’un État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie.
« Une victoire pour tous »
Un deuxième dossier était à l’initiative de l’eurodéputé français (ex-EELV) Damien Carême. Cet ancien maire de Grande-Synthe (Nord), attaquait les « carences » de l’État français, estimant notamment qu’elles font peser sur la ville, littorale de la mer du Nord, un risque de submersion. Mais la Cour ne lui a pas reconnu le statut de victime, notamment car il n’habite plus en France.
Enfin la troisième affaire était soutenue par un collectif de six Portugais âgés de 12 à 24 ans, mobilisés après les terribles incendies qui ont ravagé leur pays en 2017.
Leur requête était dirigée non seulement contre Lisbonne, mais également contre tous les États de l’UE, ainsi que la Norvège, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et la Russie, soit 32 pays au total. Mais la Cour a estimé qu’ils n’avaient pas épuisé les recours légaux dans leur pays.
Même si leur requête a été rejetée, les Portugais estimaient que cet échec était largement compensé par la décision concernant la Suisse.
« J’espérais que nous allions gagner contre tous ces pays, je suis donc à l’évidence déçue », a déclaré l’une des plaignantes, Sofia Oliveira, 19 ans. « Mais le plus important c’est que la Cour a considéré, dans le cas des Suissesses, que les Etats doivent réduire davantage leurs émissions afin de défendre les droits de l’homme. Leur victoire est donc une victoire aussi pour nous et une victoire pour tout le monde ! »
Au terme de l’Accord de Paris en 2015, les États s’étaient engagés à limiter le réchauffement de la planète « bien en deçà » de 2 degrés depuis l’époque préindustrielle (1850-1900), et de 1,5 degré si possible.
Or, avec un nouveau record de températures en mars, les 12 derniers mois ont été les plus chauds jamais enregistrés dans le monde, 1,58 degré de plus que dans le climat de la planète au XIXe siècle, a justement annoncé mardi l’observatoire européen Copernicus.
L’arrêt fait jurisprudence, c’est-à-dire qu’il pourra servir de référence dans d’autres dossiers portant sur le changement climatique — il y a actuellement plusieurs autres affaires devant la CEDH en lien avec ce sujet.
Cette décision a des implications pour la Suisse mais pas seulement : elle s’applique dans les 46 États membres du Conseil de l’Europe.
Dans son arrêt, la CEDH explique que les autorités nationales disposent d’une « marge d’appréciation » et peuvent choisir les mesures à mettre en place pour atteindre leurs objectifs, mais la cour a toutefois précisé ce qui était nécessaire.
Un État doit ainsi avoir des objectifs précis en matière de réduction des gaz à effet de serre, un budget carbone ou toute autre méthode équivalente de quantification des futures émissions de GES, ainsi qu’un mécanisme de suivi pour vérifier que ces objectifs sont atteints.
« La Cour a posé une liste d’exigences pour qu’un État se conforme à ses obligations climatiques et ça c’est tout à fait nouveau et c’est quelque chose de très spectaculaire et très réjouissant », s’est félicité Raphaël Mahaim, l’un des avocats de l’association des Aînées suisses pour le climat. « Il y a de grands espoirs que les choses bougent assez rapidement ».
C est profondement drôle. De condamner la suisse. Le plus grand pays démocratique en ce monde où fondent les glaciers que chaque suisse à profondément au fond de ses tripes. Belle victoire pour ses gueux d écologistes.