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Cinq ans après le scandale du lait contaminé, Lactalis mis en examen


Plusieurs dizaines de nourrissons avaient été atteints de salmonellose en France fin 2017. (photo AFP)

Plus de cinq ans après le scandale de la contamination aux salmonelles de laits infantiles qui a touché des dizaines d’enfants, le groupe Lactalis et sa filiale qui fabriquait les boîtes de lait ont été mis en examen jeudi notamment pour tromperie aggravée et blessures involontaires.

Convoquées par un juge du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris, le groupe Lactalis et la société Celia de Craon (Mayenne) ont également été mis en examen pour inexécution de mesures de retrait et rappel, a annoncé le numéro un du lait français dans un communiqué. Elles ont été placées sous contrôle judiciaire avec un cautionnement de 300 000 euros chacune, a confirmé une source judiciaire.

« Cette étape marque le début de l’instruction judiciaire, dans laquelle Lactalis s’engagera pleinement et en toute transparence », a assuré Lactalis, pour qui « l’enjeu de cette procédure est de permettre la manifestation de la vérité scientifique dans ce dossier industriel complexe ». Au total, plusieurs dizaines de nourrissons avaient été atteints de salmonellose en France fin 2017 après avoir consommé un produit pour enfant, essentiellement de marque Milumel ou Picot, sorti de l’usine de Craon.

Santé publique France avait recensé 36 nourrissons ayant consommé, en France, du lait produit par Lactalis « dans les trois jours précédant la date de début de leurs symptômes ». Les salmonelloses sont des intoxications alimentaires qui vont de la gastroentérite bénigne à des infections plus graves, notamment pour les jeunes enfants, les personnes âgées ou affaiblies. Le processus de retrait avait été chaotique et de nombreux dysfonctionnements ayant mené à la contamination avaient été mis au jour.

Après plusieurs semaines de crise, le groupe, réputé pour sa culture du secret, avait retiré mi-janvier 2018 la totalité de ses laits infantiles produits dans l’usine incriminée, dont la production avait dû être suspendue pendant plus de six mois. L’entreprise dirigée par Emmanuel Besnier avait affirmé que la contamination s’expliquait par des « travaux réalisés courant 1er semestre 2017 ». Mais le site avait déjà subi une contamination à la salmonelle en 2005. L’Institut Pasteur avait ensuite annoncé être arrivé à la conclusion que la bactérie présente à Craon avait subsisté entre 2005 et 2017.

Plusieurs centaines de plaintes – dont un grand nombre pour tromperie aggravée – ont été déposées et plusieurs dizaines de personnes ont été auditionnées par les enquêteurs. En octobre 2019, Emmanuel Besnier a été entendu dans le cadre d’une garde à vue, dont il est sorti sans poursuite.

« Premiers pas » vers un procès ? 

« Ces mises en examen et cette consignation si importante prouvent l’existence d’éléments graves et concordants dans ce dossier », a réagi Me Jade Dousselin, qui défend l’Association pour la santé des enfants, anciennement Association des familles de victimes du lait contaminé aux salmonelles (AFVLCS). Pour l’avocate, « il s’agit d’un premier pas vers une condamnation des responsables dans ce scandale sanitaire d’ampleur ».

« Nous espérons que les responsables de ce scandale sanitaire qui touche des enfants seront renvoyés rapidement devant le tribunal correctionnel », a commenté Me François Lafforgue, avocat de l’association Foodwatch, qui avait porté plainte. « Foodwatch demande justice pour les bébés contaminés mais aussi des sanctions exemplaires et dissuasives afin de mettre fin au climat d’impunité » dans lequel évoluent les entreprises alimentaires, a déclaré pour sa part Ingrid Kragl, porte-parole de l’ONG.

Selon une expertise rendue en octobre 2022 et versée au dossier, « l’entreprise a manqué de vigilance voire de clairvoyance vis-à-vis des signaux négatifs répétés qui alertaient sur une perte de sécurité de la fabrication ».

« Mais le dossier ne conduit aucunement à constater que l’entreprise n’aurait pas respecté ses engagements préétablis pour se mettre en conformité avec les exigences de la réglementation (…) ou bien qu’elle aurait commercialisé avant le 1er décembre (NDLR : 2017) des produits en sachant qu’ils étaient contaminés par des salmonelles suite à une analyse d’autocontrôle », ajoutent toutefois les experts.

Ils estiment par ailleurs que les actions correctives entreprises sur le site étaient « pertinentes », tout en considérant qu’elles « n’ont pas été suffisantes pour parvenir au résultat attendu de sécurité des produits ».