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Chine : les coupures de courant étranglent l’atelier du monde


Les raisons de ces coupures sont principalement liées à la forte dépendance du géant asiatique au charbon (Photo AFP)

Usines au ralenti, ouvriers qui « ne peuvent plus assurer une production normale », machines à l’arrêt: dans les usines du sud de la Chine, les coupures de courant menacent la croissance et affectent les chaînes d’approvisionnement.

Les suspensions d’approvisionnement en électricité ont déjà frappé ces derniers mois quelque 20 provinces à des degrés divers. Les raisons? Elles sont multiples mais principalement liées à la forte dépendance du géant asiatique au charbon — lequel assure 60% de sa production électrique.

Le prix de ce charbon atteint aujourd’hui des niveaux record. Les autorités effectuent également des rationnements préventifs afin d’atteindre les objectifs environnementaux en matière de limitation des émissions polluantes.

Principale victime jusqu’à présent: l’industrie. Dans la province du Guangdong (sud), parfois surnommée « l’atelier du monde » en raison de ses milliers d’usines de produits électroniques ou de textile, les coupures sont durement ressenties. Des machines sont mises à l’arrêt et des ouvriers doivent réduire leur heures de travail ou travailler uniquement la nuit — lorsque les restrictions sont plus souples.

« On demande à nos sous-traitants d’avoir recours au travail de nuit ou de faire tourner leurs groupes électrogènes pour assurer la production », déclare à l’AFP Sherman Chan, directeur général adjoint d’Express Luck, un fabricant de téléviseurs basé à Shenzhen. « Mais étant donné qu’ils doivent investir des capitaux supplémentaires, nos coûts augmentent aussi. »

Moins 40%

Ces frais en hausse mettent à rude épreuve les chaînes d’approvisionnement, déjà sous pression avec des carnets de commande qui débordent en raison de la reprise économique en Occident. Résultat: du géant des snacks Toly Bread, jusqu’aux fournisseurs du constructeur automobile Tesla, nombre d’entreprises ont déjà annoncé des retards de production.

A Dongguan, tentaculaire ville-usine où travaillent des millions d’ouvriers, beaucoup d’employés ont dû revoir leur emploi du temps. « Hier, on a dû travailler la nuit. Et c’est pareil aujourd’hui », déplore M. Cui, manutentionnaire dans une usine de chaussures contrainte de limiter sa production. « Bien sûr qu’on n’est pas contents. Mais on s’adapte aux horaires », explique-t-il, tout en refusant de révéler son nom complet.

Dans une usine de tuyaux, Mme Xu, une employée, estime que les pannes de courant ont fait chuter la production d’environ 40% en septembre, notamment car les machines ont besoin de plusieurs heures après l’allumage avant d’être opérationnelles. « On ne peut plus assurer une production normale », déclare-t-elle à l’AFP. Les autorités tentent de désamorcer le mécontentement populaire.

Le fournisseur public d’électricité s’est engagé mardi à garantir l’approvisionnement des zones d’habitation, une mission qualifiée de « tâche politique prioritaire ».

Spectacle annulé

Les autorités de Pékin ont elles présenté des coupures d’électricité dans certains petits quartiers résidentiels de la capitale comme de la « maintenance ». Et à Shanghai, la mairie a annulé le traditionnel grand spectacle son et lumière prévu jeudi soir à la veille de la fête nationale, officiellement pour des raisons de « sécurité ».

Ces coupures arrivent alors que la demande énergétique de la Chine, où l’économie a largement repris depuis le printemps 2020, dépasse désormais les niveaux pré-pandémie. Les restrictions imposées par Pékin sur les importations de charbon australien, sur fond de brouille diplomatique avec Canberra, n’aident pas.

« Les principaux coupables, c’est la pénurie mondiale d’énergie et le contrôle des prix de l’électricité par l’Etat en Chine », estime dans une note Julian Evans-Pritchard, analyste du cabinet Capital Economics. « Les prix du charbon et du gaz naturel se sont envolés partout en raison des conditions météorologiques et des ruptures dans la chaîne d’approvisionnement », souligne-t-il.

La Chine contrôle les prix de l’électricité pour les usagers, afin qu’ils ne soient pas trop élevés. La hausse du coût du charbon se répercute donc principalement sur les opérateurs des centrales électriques. Les coupures ont atteint un niveau tel qu’elles menacent désormais la croissance du pays. Plusieurs banques internationales comme Goldman Sachs ou Nomura ont ainsi abaissé cette semaine leurs prévisions de croissance annuelle du PIB chinois.

LQ/AFP