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Chelsea Manning, la taupe de WikiLeaks, s’apprête à retrouver la liberté


La détenue transsexuelle, condamnée en cour martiale à 35 ans de réclusion pour cette gigantesque fuite de données classées secret défense, va sortir après seulement quelques années derrières les barreaux. (photo AFP)

Chelsea Manning est entrée en prison en tant qu’homme, alors prénommée Bradley, et doit en ressortir mercredi en tant que femme, sept ans après avoir révélé, par WikiLeaks, les bavures militaires américaines. Mais la soldate n’en a pas tout à fait fini avec l’armée.

Nul ne sait exactement à quelle heure l’ancienne taupe de WikiLeaks, qui avait fait fuiter plus de 700.000 documents confidentiels ayant trait aux guerres d’Irak et d’Afghanistan, dont plus de 250.000 câbles diplomatiques qui avaient plongé les Etats-Unis dans l’embarras, doit quitter le pénitencier militaire de Fort Leavenworth, aux confins du Kansas et du Missouri (centre des Etats-Unis).

La détenue transsexuelle, condamnée en cour martiale à 35 ans de réclusion pour cette gigantesque fuite de données classées secret défense, va sortir après seulement quelques années derrières les barreaux à la faveur d’une peine commuée par l’ancien président Barack Obama (2009-2017), juste avant qu’il ne quitte la Maison Blanche.

Mais la remise de peine n’efface pas la condamnation elle-même. Son appel en justice pourrait s’éterniser et, en attendant, l’ancienne analyste du renseignement aujourd’hui âgée de 29 ans restera légalement un soldat de l’U.S. Army une fois sortie de prison.

Elle sera techniquement en congé sans solde pendant l’examen de l’appel et il reste hautement improbable que Chelsea Manning, qui a revendiqué son identité de femme au lendemain de sa condamnation, soit appelée à servir. Mais un de ses avocats assure que cette situation la maintient sous le joug de l’armée et l’expose à d’éventuelles sanctions au moindre faux pas – comme la révélation de nouveaux documents ou d’écrits qui dérangeraient le Pentagone.

« Plus que deux jours »

Reste que la libération de celle considérée par ses soutiens comme une lanceuse d’alerte, souvent comparée à l’ex-contractuel de la NSA Edward Snowden, est vécue comme un soulagement pour ses proches, après ses deux tentatives de suicide l’an dernier.

« Plus que deux jours avant la liberté de la vie civile », a-t-elle écrit lundi sur Twitter, réseau social sur lequel elle est active même derrière les barreaux. Elle s’est même dit, dans une référence politique sarcastique, « en quête d’une assurance santé privée, comme des millions d’Américains ».

« Pour la première fois, je me vois un avenir en tant que Chelsea », avait écrit plus tôt Chelsea Manning. « J’arrive à m’imaginer survivre et vivre dans la peau de la personne que je suis. »

Signe de l’attente autour de sa libération, un groupe de musiciens a mis en ligne un album peu avant la sortie de prison, « Hugs for Chelsea », dont les recettes reviendront à Chelsea Manning pour qu’elle puisse démarrer sa nouvelle vie.

A quoi, d’ailleurs, va ressembler cette nouvelle page, qui devrait s’écrire chez une tante de la région de Washington ?

Pizza et PlayStation

« Elle veut se battre pour les nombreux détenus transgenres, en particulier les femmes noires, communiquer avec les jeunes transgenres, partager les victoires de nos combats », confie Chase Strangio, un avocat lui-même transgenre devenu son ami intime. « Elle a hâte de manger de la pizza, de nager, de jouer à la PlayStation et de rencontrer les nombreux amis qui l’ont soutenue au fil des années mais qui n’ont jamais été autorisés à lui rendre visite en prison ».

Chelsea Manning devrait afficher sa féminité en laissant « pousser ses cheveux », après des années derrières les barreaux de Fort Leavenworth où sa coiffure devait rester sous les cinq centimètres réglementaires, ajoute Chase Strangio.

Au gré d’un long combat légal, Chelsea Manning a récemment obtenu le droit de commencer en prison un traitement hormonal pour permettre sa transition vers le sexe auquel elle s’identifie.

La libération, toutefois, est fraîchement accueillie par une partie des Américains, à commencer par le président Donald Trump, qui l’a qualifiée de « traîtresse qui n’aurait jamais dû être libérée de prison ».

A défaut d’être encore blanchie en appel, Chelsea Manning s’apprête donc à effectuer ses premier pas hors de prison. En tant que femme.

Le Quotidien / AFP