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Charleston : les Etats-Unis sous le choc, le tueur présumé devant la justice


Douleur et émotion des participants lors du rassemblement devant l'église Emmanuel à Charleston, vendredi, après la tuerie raciste qui a fait 9 morts. (photo AFP)

Des milliers de personnes tenant des roses rouges et blanches ont rendu hommage vendredi soir à Charleston (sud-est des Etats-Unis) aux neuf Noirs tués par balles dans une église, après la première comparution de l’auteur présumé de la tuerie, un Blanc décrit comme un nostalgique de l’apartheid.

Ce massacre a bouleversé les Etats-Unis et Charleston, ville historique et touristique, devait organiser samedi et dimanche de nombreux hommages. Le tueur présumé de 21 ans avait comparu dans l’après-midi de vendredi par vidéo interposée depuis la prison. Coupe au bol et regard fixe, en uniforme rayé de détenu, Dylann Roof s’est vu signifier ses chefs d’accusation et son incarcération.

Emotion lors du rassemblement près de l'église Emmanuel à Charleston. (photo AFP)

Emotion lors du rassemblement près de l’église Emmanuel à Charleston. (photo AFP)

La justice fédérale a évoqué un acte de « terrorisme intérieur ». Le massacre du mercredi soir constitue la pire tuerie raciste aux Etats-Unis depuis des décennies,

Dans un stade couvert du College of Charleston, Noirs et Blancs se tenant la main, beaucoup les larmes aux yeux, ont entonné « We Shall Overcome » (nous triompherons), chant emblématique des marches pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis. Une cinquantaine de proches des victimes se tenaient aux premiers rangs. Des dirigeants de la communauté ont assuré lors de la veillée funèbre que le drame n’allait pas provoquer de fracture raciale dans la ville.

« Nous sommes venus ce soir ensemble pour prier et exprimer notre amour », a déclaré le maire, Joseph Riley, qui partageait l’estrade avec les chefs des différentes communautés religieuses de la ville. « Nous avons le coeur brisé. Nous avons une angoisse que nous n’avons jamais connue auparavant ».

« Je vous pardonne »

Dylan Roof avait comparu en vidéo depuis la prison à 14h15 devant un tribunal de Charleston lors d’une audience émouvante, des proches des victimes se trouvant dans la salle. « Chaque fibre de mon corps me fait mal et je ne serai plus jamais la même. Tywanza Sanders était mon fils, mais il était aussi mon héros », a déclaré Felicia Sanders à l’audience. « Vous m’avez fait du mal, vous avez fait du mal à beaucoup de gens mais je vous pardonne, je vous pardonne », a pour sa part lancé Nadine Collier, dont la mère, Ethel Lance, 70 ans, a été tuée.

Le jeune homme, impassible, a été inculpé d’assassinat de neuf personnes et de « détention d’arme à feu dans le cadre d’un crime violent ».

En fin de journée, la famille du suspect s’est dite « effondrée », adressant dans une déclaration écrite ses condoléances aux familles des victimes. « Il est impossible d’exprimer notre état de choc, de chagrin et d’incrédulité sur ce qui s’est passé ».

Dylan Roof est décrit comme un nostalgique de l'apartheid (photo AFP).

Dylan Roof est décrit comme un nostalgique de l’apartheid (photo AFP).

Arrêté jeudi, Dylann Roof est accusé d’avoir ouvert le feu avec un pistolet semi-automatique sur les participants à une soirée de lecture biblique à l’Emanuel African Methodist Episcopal Church, la plus vieille église de la communauté noire de la ville et lieu emblématique pour les droits civiques. Le pasteur de la paroisse, Clementa Pinckney, élu démocrate du Sénat local, a été tué ainsi que deux hommes et six femmes, âgés de 26 à 87 ans.

Selon les documents officiels, Dylann Roof a proféré des « propos racistes incendiaires ». Après avoir sagement assisté à la lecture, il s’est levé et a ouvert le feu. Selon les propos d’une survivante rapportés à CNN, il aurait dit: « Vous avez violé nos femmes, et vous prenez le contrôle du pays. Je dois faire ce que j’ai à faire ». Le jeune homme a déclaré aux policiers qu’il voulait « déclarer une guerre raciale », selon CNN.

« Crime de haine raciale »

Vivant dans une petite ville rurale, ayant très tôt quitté l’école et chômeur, le jeune homme traînait, solitaire et apparemment sans faire beaucoup de vagues, selon la presse. C’est son apparente nostalgie de l’apartheid qui donne de premières explications à son geste. Sur son profil Facebook, Dylann Roof porte un blouson arborant l’ancien drapeau de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid, symbole du régime ségrégationniste, et de la Rhodésie (devenue Zimbabwe), des régimes admirés par les groupuscules promouvant la suprématie des Blancs.

Selon Joey Meek, l’un de ses amis s’exprimant sur ABC News, Roof « était obsédé par la ségrégation » et ruminait son coup depuis six mois. Il « voulait faire quelque chose de spectaculaire (…) qui relance la guerre raciale ». Un autre, Dalton Tyler, a expliqué qu’il voulait un retour de la ségrégation et « provoquer une guerre civile ».

Après l’audience, la procureure Scarlett Wilson a indiqué qu’il était trop tôt pour parler de peine de mort, réclamée plus tôt par Nikki Haley, la gouverneur républicaine de Caroline du Sud. Cornell Brooks, le président de la NAACP, organisation historique de défense des Noirs, a dénoncé ce « qui n’est pas qu’un massacre de masse, pas que de la violence par les armes, mais aussi un crime de haine raciale ».

Devant une assemblée de maires à San Francisco, le président Barack Obama a accusé le Congrès de ne pas avoir légiféré pour une réglementation plus sévère sur les armes à feu, dont il avait réaffirmé la nécessité après la tragédie de Newtown en 2012 (26 morts dont 20 enfants). « Nous ne savons pas si cela aurait évité Charleston mais il y aurait quelques Américains de plus avec nous », a-t-il ajouté.

C’est un nouveau coup dur pour la communauté noire éprouvée depuis l’été dernier par la mort de plusieurs hommes noirs désarmés tués par des policiers blancs.

AFP