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C’est quoi, Alep ?

Le monde s’est moqué, à raison, du candidat libertarien à la présidence américaine, lorsque, le 8 septembre dernier, à la télévision américaine, il a posé la question «C’est quoi, Alep?». Gary Johnson venait d’être interrogé par un journaliste de la chaîne MSNBC sur sa politique étrangère en cas d’élection à la présidence américaine. Une question totalement théorique, puisqu’il a autant de chances de voir la Maison-Blanche que de se rendre à Alep un jour.

Pourtant, cette question «C’est quoi, Alep?», nous devrions tous nous la poser. Un jour, il faudra y répondre par autre chose qu’«une ville de Syrie connue pour ses savons» ou «une merveille classée au patrimoine mondial».

Un jour, nos enfants nous demanderont ce qu’il s’est passé à Alep. Et nous resterons silencieux, comme Gary Johnson. Sauf que nous, nous n’aurons pas l’excuse de ne pas savoir. Si nous sommes honnêtes, nous répondrons alors qu’il s’agissait d’une ville encerclée et assiégée, au début du XXI e siècle, et que sa population civile n’a obtenu aucun secours du reste du monde. Que l’Organisation des Nations unies n’a rien fait. Que la Russie a participé aux combats.

Aujourd’hui, deux camps s’opposent : ceux qui condamnent, impuissants et honteux, et ceux qui gardent le silence, tout aussi impuissants et honteux. Au milieu, la population d’Alep, ces enfants, ces femmes et ces hommes qui vivent sous le bruit des bombes, au milieu du désastre. Le capharnaüm diplomatique qu’est aujourd’hui la Syrie les condamne à l’abandon.

Les États-Unis avaient su intervenir en Irak sur de faux prétextes, ils avaient su mobiliser en un temps record une coalition lorsque le Koweït avait été envahi en 1991. L’OTAN avait mis fin au siège de Sarajevo par ses bombardements. Mais c’était au siècle dernier.

Depuis, le cynisme l’a emporté, Stalingrad est oublié et le sacrifice ne vaut que s’il peut rapporter quelque chose. À Alep, il n’y a rien à gagner, sinon une certaine idée de l’humanité. Mais au fait, c’est quoi, Alep?

Romain Van Dyck