Madrid a donné un ultime délai de trois jours au président séparatiste de Catalogne pour qu’il revienne à la légalité, après son refus de dire clairement lundi s’il écartait une déclaration unilatérale d’indépendance.
La plus grave crise politique que traverse l’Espagne depuis le retour de la démocratie en 1977 s’enlise, alors que les deux parties affichent des positions en apparence irréconciliables. Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy avait demandé mercredi au président séparatiste Carles Puigdemont de confirmer explicitement s’il avait bien déclaré l’indépendance de la région, l’une des plus riches d’Espagne, mardi devant le Parlement régional. Et il avait averti que, faute de réponse satisfaisante, il pourrait appliquer l’article 155 de la Constitution permettant, une fois votée au Sénat, la suspension totale ou partielle de l’autonomie de la Catalogne.
Le délai court désormais jusqu’à jeudi 10h. Beaucoup craignent qu’une telle mesure drastique n’entraîne des troubles en Catalogne, une région de 7,5 millions d’habitants grande comme la Belgique, très attachée à sa langue et à sa culture. Bien que la société catalane soit divisée presque à parts égales sur l’indépendance, Carles Puigdemont a annoncé qu’il estimait avoir un mandat pour déclarer l’indépendance en s’appuyant sur le référendum d’autodétermination interdit du 1er octobre que les séparatistes affirment avoir remporté avec 90% des voix. Mais il avait aussitôt « suspendu » sa déclaration pour laisser une chance au dialogue avec Madrid.
« Persévérance dans la confusion »
Sommé par le gouvernement espagnol de clarifier sa position, Carles Puigdemont a répondu, dans un courrier envoyé lundi par fax, que sa priorité allait au « dialogue pour les deux prochains mois » et demandé une réunion en urgence avec Mariano Rajoy. Il a souligné que le « mandat démocratique » confié par le peuple catalan au parlement régional pour qu’il déclare l’indépendance était « suspendu », ce qui démontrait sa « ferme volonté de recherche d’une solution et d’éviter l’affrontement ». « Nous voulons parler, comme le font les démocraties établies, sur le problème posé par la majorité du peuple catalan qui veut commencer son chemin en tant que pays indépendant dans le cadre européen », a-t-il développé.
Cette réponse a été jugée trop floue par Madrid. « La persévérance dans la confusion est incompréhensible », a déploré la vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria, ajoutant: « ce n’était pourtant pas compliqué de répondre par oui ou par non. » « Nous espérons que dans les heures qui viennent (…) vous répondrez avec la clarté que tous les citoyens exigent », a écrit en retour Mariano Rajoy en accordant à Carles Puigdemont un ultime délai de trois jours pour revenir dans le droit chemin.
M. Rajoy continue à refuser catégoriquement tout dialogue tant que les séparatistes ne lèvent pas leur menace de déclarer unilatéralement l’indépendance, ce que Carles Puigdemont n’a pas fait. Il ne veut pas plus entendre parler de médiation, et les États membres de l’Union européenne l’écartent aussi pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore des sécessions à travers le continent. Les milieux d’affaires l’ont eux aussi appelé à faire marche arrière, alors que des centaines d’entreprises ont commencé à fuir la région, qui compte pour 19% du PIB espagnol.
Mais Carles Puigdemont fait aussi l’objet de pressions dans son camp, où les plus radicaux l’encouragent à aller de l’avant pour proclamer sans équivoque la naissance de la « République de Catalogne ». Sa réponse ambiguë risque notamment de fâcher le petit parti d’extrême gauche CUP, allié indispensable du président catalan au Parlement régional.
Le Quotidien/AFP