Le président du parlement catalan a décidé d’ajourner mardi la session d’investiture à la présidence de la Catalogne du chef de file indépendantiste Carles Puigdemont, interdite par la Cour constitutionnelle, tout en l’accusant de violer les droits de millions de Catalans.
« La séance plénière d’aujourd’hui (…) est reportée » a déclaré sans préciser de date Roger Torrent. Auparavant il s’est lancé dans une diatribe contre la Cour constitutionnelle, estimant que le président destitué de la Catalogne avait « tous les droits » d’être candidat. Cette candidature était le fruit « d’une volonté majoritaire des élus de la chambre. Et comme cette majorité est maintenue, je ne proposerai aucun autre candidat », a-t-il ajouté. Il a ensuite expliqué que l’ajournement avait pour but de défendre la tenue d’un débat d’investiture avec « toutes les garanties » pour Carles Puigdemont, autrement dit, sans risque d’arrestation.
Carles Puigdemont est installé à Bruxelles où il échappe depuis trois mois aux poursuites de la justice espagnole. « Ni la vice-présidente du gouvernement (espagnol) ni le tribunal constitutionnel ne décideront qui doit être le président » de Catalogne, a martelé Roger Torrent, en accusant la cour de « violer les droits de millions de catalans » ayant voté pour Puigdemont. La journée avait commencé par un avertissement du chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy à Roger Torrent : « S’il ne respecte pas une résolution des tribunaux, le président du parlement pourrait sans aucun doute être tenu pour responsable ».
Des centaines de « Puigdemont » dans la rue
Puigdemont, destitué par Madrid, est à ce stade le seul candidat à la direction de la région de 7,5 millions d’habitants. Le parlement devait débattre de sa candidature à partir de 15h et, pendant ce temps, ses partisans avaient prévu de manifester, invités à arborer des masques à l’effigie de leur chef de file, de sorte que des centaines, voire des milliers de « Puigdemont » devaient défiler dans la ville.
Samedi la Cour constitutionnelle, saisie par le gouvernement central, avait annoncé qu’en cas d’investiture à distance, le vote ne serait pas valable. Et considéré que Puigdemont devait auparavant demander en personne au juge de la Cour suprême en charge de l’enquête le visant l’autorisation de comparaître devant la chambre. Il a contesté devant la Cour constitutionnelle l’arrêt en cause et le président du parlement a demandé aux juristes de la chambre d’en faire autant.
Ce nouveau conflit judiciaire intervient trois mois après la déclaration d’indépendance unilatérale votée au parlement le 27 octobre 2017, point d’orgue d’une crise politique sans précédent en Espagne. La crise avait démarré avec l’organisation d’un référendum d’autodétermination interdit, le 1er octobre 2017, marqué par des violences policières. Après la tentative de sécession, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a suspendu l’autonomie de la région, dissous le parlement et convoqué de nouvelles élections, avec l’espoir d’un apaisement de la situation en Catalogne, divisée à parts presque égales sur l’indépendance. Mais lors de ces élections les indépendantistes n’ont pas perdu de terrain : ils représentent 47,5% de l’électorat, ce qui leur permet de disposer de la majorité absolue au parlement, grâce à une pondération des voix qui profite aux provinces rurales, les plus séparatistes.
Le Quotidien/AFP