Des divergences apparaissent entre les dirigeants du camp indépendantiste en Catalogne et les appels au dialogue se multiplient pour éviter un choc frontal aux conséquences imprévisibles avec Madrid, à quelques jours d’une éventuelle déclaration d’indépendance.
Un premier appel à une pause sur le chemin vers l’indépendance est parti de l’entourage même du président catalan, Carles Puigdemon t: l’un de ses proches, le ministre chargé des Entreprises au sein du gouvernement catalan, Santi Vila, a demandé vendredi un « cessez-le-feu ».
Il a aussi appelé dans le quotidien catalan Ara à « réfléchir à l’utilité et aux conséquences » d’une déclaration d’indépendance d’une « République de Catalogne » dans l’immédiat.
L’Espagne traverse sa pire crise politique depuis son retour à la démocratie en 1977. La tension a encore grimpé avec l’organisation le 1er octobre d’un référendum d’autodétermination interdit, émaillé de violences policières. Les indépendantistes assurent avoir remporté cette consultation avec 90% des voix mais avec une participation de 43,03%.
Ces résultats, « transmis » au Parlement régional, ne peuvent être confirmés, faute de commission électorale neutre. En principe, selon leur feuille de route, les dirigeants indépendantistes devraient déclarer désormais l’indépendance de la Catalogne, une région stratégique où vivent 16% des Espagnols.
Peu après l’appel de Santi Vila, le président catalan a annoncé le report de 24 heures de son allocution sur le référendum, prévue lundi, devant le Parlement, une séance où l’on s’attendait à une déclaration unilatérale d’indépendance.
Sécession pour les uns, médiation pour les autres
Une nouvelle séance est prévue mardi soir, mais l’ordre du jour est vague : il porte sur la « situation politique », sans évoquer la déclaration d’indépendance.
Les indépendantistes sont à présent partagés entre ceux qui préconisent de défier Madrid jusqu’au bout, en proclamant l’indépendance sans plus tarder, et ceux qui laissent la porte ouverte à une médiation avec Madrid, que réclame avec insistance Carles Puigdemont.
Le élus du parti catalan CUP (Candidature d’unité populaire, extrême-gauche) jouent leur traditionnel rôle d’aiguillon: « Le moment inéluctable et irrévocable d’exercer (le droit) à l’autodétermination est arrivé », s’est exclamé vendredi Carles Riera, député régional de ce parti.
A l’inverse, le conservateur Artur Mas, prédécesseur de Carles Puigdemont à la tête de l’exécutif catalan, a expliqué au Financial Times que les dirigeants régionaux ne devaient pas se demander « comment se proclame l’indépendance mais comment la rendre effective ».
Le grand quotidien catalan La Vanguardia croit savoir samedi qu’il s’agit de la question centrale au sein du camp séparatiste : les interrogations porteraient surtout sur les modalités davantage que sur le fond. Ainsi, certains envisageraient une déclaration à l’effet reporté de plusieurs mois, écrit le journal.
Les retraits de fonds se multiplient
Le débat est aussi citoyen. Dans leur très grande majorité, les Catalans souhaitent un référendum légal sur l’indépendance et considèrent Madrid, à seulement 624 km au sud-ouest, comme très éloigné de la réalité catalane, mais les adversaires de l’indépendance sont plus nombreux que ses partisans, selon le dernier sondage des autorités catalanes qui date de juillet.
« Aujourd’hui, la société catalane s’alarme, quel que soit le point de vue des personnes », affirme Joan Botella, doyen de la faculté de sciences politiques à l’Université autonome de Barcelone. Ainsi, de grandes fortunes catalanes ont commencé à transférer leurs avoirs hors de la région. Et les retraits de fonds ont augmenté dans les grandes banques catalanes, certains les transférant sur des banques ailleurs en Espagne.
Au point que les deux principales entités bancaires de Catalogne, les centenaires CaixaBank et Banco Sabadell, ont déplacé leur siège social hors de la région. Une mesure qui ne touche pas les employés mais rassure les clients en cas de sortie.
Trois pistes pour sortir de la crise
Mariano Rajoy dispose de plusieurs leviers. Il peut avoir recours à un article de la Constitution jamais utilisé qui permettrait de suspendre l’autonomie de la Catalogne mais déclencherait à son tour des troubles dans la région.
« Il ne reste plus que quelques heures pour éviter le choc frontal, ce sont des heures critiques », prévient Joan Botella.
Les appels au dialogue se multiplient. Des manifestations pour « l’entente » sont prévues dans toute l’Espagne samedi.
Carles Puigdemont est en contact avec une commission créée par le Collège des avocats de Barcelone composée de représentants du monde syndical, académique et économique. Elle propose une sortie de crise en trois points: qu’aucune des parties ne prennent de décision dans l’immédiat, que Madrid retire les renforts policiers envoyés en Catalogne et qu’une commission indépendante lance un processus de dialogue.
Le Quotidien/AFP