Arrêté un mois après sa remise en liberté, Carlos Ghosn restera en garde à vue au Japon jusqu’au 14 avril au moins pour répondre à de nouveaux soupçons de malversations financières.
Le tribunal de Tokyo a approuvé vendredi la requête du parquet, qui invoque un « risque d’altération des preuves » pour justifier le maintien en détention de l’ancien PDG de Renault-Nissan. La conférence de presse, qu’il avait annoncée sur Twitter pour le 11 avril, se trouve donc de facto annulée. A moins que ses avocats, qui ont fait appel, n’obtiennent gain de cause. Dans une déclaration préparée avant l’interpellation éventée par des médias japonais, Carlos Ghosn s’était dit une nouvelle fois « innocent », fustigeant une arrestation « révoltante et arbitraire ».
Il a été arrêté jeudi au petit matin à son domicile de Tokyo, où il se trouvait « en liberté très surveillée », selon ses termes, depuis sa sortie de prison début mars moyennant le paiement d’une caution d’un milliard de yens (8 millions d’euros). Le Franco-Libano-Brésilien, âgé de 65 ans, est revenu au centre de détention de Kosuge (nord de la capitale), où il a déjà passé 108 jours.
Nouvelles charges « plus graves »
Cette fois, le parquet le soupçonne d’avoir transféré des fonds de Nissan à une société « de facto contrôlée par lui », via un distributeur de véhicules du constructeur japonais à l’étranger. Il s’agit du sultanat d’Oman, selon une source proche du dossier. Sur les 15 millions versés au total au distributeur, 5 millions ont été détournés, a précisé le bureau des procureurs dans un communiqué. « Le suspect a trahi sa fonction pour en tirer des bénéfices personnels », a-t-il estimé.
Carlos Ghosn est déjà sous le coup de trois inculpations : deux pour déclarations inexactes de revenus sur les années 2010 à 2018, dans des documents remis par Nissan aux autorités financières, et une pour abus de confiance. Il est notamment accusé d’avoir tenté de faire couvrir par la compagnie des pertes sur des investissements personnels lors de la crise économique de 2008. Mais ces nouvelles charges apparaissent « plus graves », selon Stephen Givens, un avocat américain exerçant au Japon depuis 1987. « Si c’est vrai, il a volé la compagnie, détourné des fonds, c’est terrible », a-t-il dit. « C’est très différent des précédentes accusations qui pouvaient sembler mineures et techniques ».
Pour autant, ces nouvelles poursuites ne justifiaient pas, selon cet expert, que Carlos Ghosn soit renvoyé en prison. « C’est contre l’esprit de la loi ou de ce que la loi prévoit, et c’est un acte qui ne doit pas arriver », s’était insurgé jeudi son avocat Me Junichiro Hinoraka, promettant d’utiliser tous les recours possibles pour obtenir sa remise en liberté.
« J’ai des noms »
Le ministre de la Justice, ancien procureur lui-même, a défendu le traitement par le parquet de cette affaire. « C’est géré de manière appropriée, conformément au code de procédure pénale. Les critiques ne sont donc pas justifiées », a-t-il déclaré à la presse. Avant de retourner en prison, Ghosn, « combatif », a dénoncé « un acharnement » et fait « appel au gouvernement français », dans une interview aux chaînes françaises TF1/LCI.
« La façon dont tout cela s’est passé montre clairement qu’il y a une conspiration », initiée par une « toute petite équipe d’intrigants qui se trouvent aujourd’hui à la tête de Nissan », a-t-il lancé, avant de se faire menaçant : « J’ai des noms ». « J’ai des doutes sur la façon dont le jugement va se dérouler », ajoute-t-il, évoquant un système « draconien » et de « difficiles » conditions de détention – « pas de montre, lumière allumée la nuit, pas de contact avec la famille » pendant la garde à vue – même si « les Japonais qui managent ce système sont tout à fait corrects ».
« Je ne souhaite pas ce que je subis à mon pire ennemi », conclut-il.
LQ/AFP