La Commission européenne s’inquiète des lois controversées récemment adoptées en Hongrie, de la détention systématique de migrants à la législation sur les universités, et pourrait lancer rapidement des procédures pour infraction au droit européen contre certaines d’entre elles.
Lors de la réunion hebdomadaire des commissaires, l’exécutif européen s’est penché mercredi sur une série de réformes ainsi que sur un projet d’encadrement du financement « étranger » des ONG, qui ont jeté un nouveau froid entre Bruxelles et le Premier ministre souverainiste hongrois Victor Orban.
Ces « développements ont soulevé l’inquiétude générale quant à leur compatibilité avec le droit de l’UE et les valeurs communes sur lesquelles l’Union est basée », a rappelé la Commission. Et même si cette dernière estime qu’à ce stade, il n’existe « pas de menace systémique pour l’Etat de droit en Hongrie », selon son vice-président Frans Timmermans, l’exécutif européen, garant des traités et de l’application du droit européen, pourrait lancer dès la fin du mois des procédures d’infraction à l’encontre de Budapest.
Frans Timmermans a énuméré la liste des griefs de Bruxelles, qui avait déjà dépêché à Budapest son commissaire aux Migrations Dimitris Avramopoulos après l’adoption début mars d’une loi prévoyant l’enfermement des migrants dans deux camps à la frontière serbe.
Dans une réaction, le gouvernement hongrois a déclaré « être prêt à débattre, mais pas à céder d’un pouce sur le sujet de l’immigration », estimant que c’était à cause de cette question migratoire que Bruxelles « lançait des attaques contre la Hongrie ».
Frans Timmermans a également évoqué mercredi la réforme hongroise sur l’éducation supérieure, qui semble viser l’Université d’Europe centrale (CEU) fondée par le milliardaire américain d’origine hongroise George Soros, bête noire de M. Orban. Ainsi que le projet obligeant les ONG à déclarer tout financement « de l’étranger » de plus de 23.000 euros par an.
Quelque 60.000 à 80.000 personnes ont manifesté dimanche en Hongrie contre la loi sur la réforme de l’université. A propos du questionnaire intitulé « Stop Bruxelles » envoyé début avril à chaque foyer hongrois, la Commission va « préparer et publier sa propre réponse » selon M. Timmermans.
Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, y avait vu un moyen pour M. Orban de « dire du mal de Bruxelles ». Ce n’est pas la première prise de bec avec Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010, que M. Juncker avait accueilli à un sommet européen d’un « Salut, dictateur » en 2015.
« Populismes »
L’attitude de Budapest, qui a érigé une barrière à sa frontière avec la Serbie en pleine crise migratoire et refuse de participer aux mesures de solidarité européennes en matière de répartition des demandeurs d’asile, a déjà irrité l’UE. La Commission a promis de « terminer rapidement une évaluation juridique approfondie » de cette loi pour juger de sa « compatibilité avec la libre circulation des services et la liberté d’établissement », selon M. Timmermans.
L’accès jugé insuffisant des enfants roms à l’éducation et la protection des femmes enceintes au travail en Hongrie pourraient aussi faire l’objet de procédures d’infraction. Celles-ci prévoient qu’en dernier ressort, la Commission peut renvoyer un Etat membre devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour qu’elle tranche le différend.
Les marges de manœuvre pour amener le dirigeant hongrois à infléchir sa politique sont étroites, comme le montre l’impasse dans laquelle se trouve la procédure engagée par Bruxelles contre la Pologne après sa réforme du Tribunal constitutionnel, jugée contraire à la nécessaire séparation des pouvoirs. Cette procédure peut aboutir à une sanction inédite, à savoir la suspension du droit de vote de la Pologne dans les réunions des 28 Etats membres de l’UE.
Lassée du dialogue de sourds avec Varsovie, la Commission en appelle désormais aux autres capitales européennes pour qu’elles prennent position dans ce bras de fer.
Le Quotidien / AFP