La Commission européenne a présenté mardi une stratégie pour mieux coordonner la lutte contre le terrorisme et la cybercriminalité en Europe, dont la principale mesure est la création d’un centre européen du contre-terrorisme, mais s’est gardée d’empiéter sur les prérogatives des États.
La principale mesure est la montée en puissance d’Europol, l’Office européen de police créé en 1995 pour faciliter les opérations de lutte contre la criminalité, avec la création en son sein d’un centre européen de lutte contre le terrorisme. Europol a déjà été doté début 2013 d’un centre de lutte contre la cybercriminalité, nommé EC3. « Mais pas question de créer une nouvelle institution », ni de transformer Europol en un FBI européen, a prévenu Frans Timmermans, le premier vice-président de la Commission.
Ce centre « vise à créer un espace de coopération entre les services », a-t-il insisté. « Il n’est pas question de changer le droit, ni les traités, ni les compétences ». L’explication de cette prudence est simple : « Pour les États, la sécurité est le noyau dur de la souveraineté nationale. Ouvrir un débat sur les compétences serait stérile », a-t-il averti.
La Commission se retrouve prise entre le marteau et l’enclume. Car le Parlement européen entend bien faire respecter les libertés civiles et les droits fondamentaux. L’exécutif européen s’est donc livré à un difficile exercice. Il s’est gardé de formuler des propositions de loi, et ses recommandations sont conditionnées au bon vouloir des États.
Les menaces sont bien réelles : les attentats commis à Bruxelles, Paris puis Copenhague ont mis en évidence la menace représentée par les « combattants étrangers », ces musulmans européens radicalisés partis rejoindre les mouvements extrémistes, dont le groupe État islamique, et rentrés en Europe pour mener des actions terroristes.
Les débarquements massifs en Italie et à Malte de migrants embarqués sur les côtes libyennes pour une périlleuse traversée ont mis en exergue le rôle d’organisations criminelles et de trafiquants d’être humains.
« Éliminer les causes du terrorisme »
Trois priorités sont énoncées : prévenir le terrorisme et la radicalisation, combattre le crime organisé et lutter contre la cybercriminalité. La Commission recommande de couper les financements du terrorisme, de s’entendre sur une définition commune du « combattant étranger » afin de pouvoir condamner cette activité dans tous les États de l’UE, et de mettre en œuvre la législation sur les armes.
L’UE doit mieux utiliser les règlements et les agences dont elle dispose et surtout coopérer dans l’échange d’informations, a insisté Frans Timmermans. Dans la foulée de son adoption, la stratégie européenne a été présentée au Parlement européen, où l’accueil a été mitigé. « Il faut une stratégie globale. On ne combat pas le terrorisme par la sécurité, mais en éliminant les causes du terrorisme, dont la radicalisation », a averti le président du groupe socialiste, Gianni Pittella.
« Il faut une vision stratégique commune. Pour le moment on en est très très loin », a commenté le vice-président des Verts, Philippe Lamberts. « Il faut d’abord la finalité, ensuite les outils. Le contrôle démocratique est très important », a-t-il insisté. « La principale idée pour luter contre le terrorisme et la radicalisation c’est le PNR européen, le projet de fichier des données des passagers des avions », a déploré l’autre co-présidente des Verts, Rebecca Harms.
Ce projet est bloqué car le Parlement européen réclame des garanties sur la protection et le traitement des données ainsi collectées et échangées. « Nous devons terminer cette négociation cette année, et mener à bon port cette initiative », a insisté Manfred Weber, le président du groupe du Parti populaire européen (PPE, conservateur), partisan de la constitution de ce fichier européen sur le modèle américain.
AFP