Les ministres des Affaires étrangères de l’UE débattent dimanche soir à Bruxelles d’une approche commune à défendre face à la future administration Trump, sans le Britannique Boris Johnson ni le Français Jean-Marc Ayrault qui ont décliné l’invitation.
La réunion extraordinaire, sous la forme d’«un dîner informel» à la veille de l’habituel rendez-vous mensuel des 28, a été convoquée mercredi par la chef de la diplomatie de l’UE, Federica Mogherini, alors que la victoire surprise du candidat populiste à la Maison Blanche suscite de l’inquiétude de ce côté-ci de l’Atlantique. Mais toutes les capitales n’ont pas jugé le rendez-vous important.
Boris Johnson «ne voit pas l’utilité d’une réunion supplémentaire», a expliqué le Foreign Office, soulignant que les ministres pourraient aborder lundi «dans un format normal toute une série de sujets», y compris la nouvelle donne américaine. De son côté, le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault sera absent «pour des raisons d’agenda», a confié une source française.
Ces deux ministres devraient toutefois être remplacés autour de la table par leur ambassadeur auprès de l’UE. Mercredi, à l’annonce de la victoire de Donald Trump, le président français François Hollande a évoqué l’ouverture d’une «période d’incertitude», tandis que la chancelière allemande Angela Merkel a averti qu’«une coopération étroite» devrait se fonder sur des valeurs démocratiques communes.
En plein flou sur les intentions réelles de président élu en politique étrangère, les Européens aimeraient notamment savoir quelle sera sa position à l’égard de la Russie de Vladimir Poutine, jugée menaçante sur le flanc Est de l’Union et impliquée dans les combats en Syrie au côté du régime Assad. «Il y a eu beaucoup de déclarations avant les élections, est-ce que cela se traduira en actions ? Vu ce qu’il a dit, il y a de la matière à discuter», résume un diplomate européen sous couvert de l’anonymat, évoquant notamment l’Otan ou le changement climatique.
Le candidat républicain avait déclaré pendant sa campagne qu’il pourrait mettre des conditions à l’engagement américain dans l’Otan, alors que les Etats-Unis assurent les deux tiers des dépenses militaires de l’Alliance. Le sujet du renforcement de la défense européenne sera au coeur des discussions de lundi.
« Aller là-bas très vite »
M. Trump avait aussi averti que s’il était élu président, son pays se retirerait de l’accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique conclu en décembre 2015. De ce dont Federica Mogherini souhaite précisément débattre au dîner, rien n’a filtré de ses services, qui ont simplement évoqué la nécessité d’«un échange de vues sur la façon d’aller de l’avant dans les relations UE-USA».
Mme Mogherini devrait s’exprimer à la sortie, en principe peu après 21H00 (20H00 GMT). «Chaque fois qu’une élection intervient chez un partenaire d’une telle importance stratégique comme le sont les Etats-Unis, de toute évidence nous avons une réflexion sur la coopération future», explique un haut responsable européen.
Selon cette source, la chef de la diplomatie de l’UE veut donner l’opportunité aux pays membres de lui «faire remonter les sujets» prioritaires à leurs yeux, qu’ils soient «régionaux, thématiques ou liés à la défense et à la sécurité». Charge ensuite à Mme Mogherini d’aller faire part des préoccupations européennes à celui ou celle qui succédera à John Kerry au poste de secrétaire d’Etat et sera son interlocuteur à Washington.
«Elle voudra probablement aller là-bas très vite», peut-être même avant le 20 janvier, date de la prise de fonction de la nouvelle administration, observe ce même responsable européen. Une telle rencontre «informelle» à la veille d’un conseil de ministres européens calé de longue date n’est pas une première. Mais l’initiative n’est pas toujours couronnée de succès.
A la mi-juillet Mme Mogherini avait voulu organiser un dîner similaire réunissant les ministres des Affaires étrangères autour de leur nouvel homologue britannique Boris Johnson, chantre du Brexit, tout juste nommé dans le gouvernement de Theresa May. Trois semaines après le référendum britannique, plusieurs pays membres avaient jugé prématuré d’aborder déjà l’impact de la future sortie du Royaume-Uni sur la politique extérieure de l’UE. Le dîner avait été annulé et Mme Mogherini s’était retrouvée en tête à tête avec Boris Johnson.
Le Quotidien/afp