L’UE va procéder lundi aux derniers réglages qui lui permettront d’ouvrir les négociations sur la sortie du Royaume-Uni en adoptant officiellement le mandat de son émissaire Michel Barnier.
Depuis sa nomination par la Commission européenne le 27 juillet 2016, soit à peine un peu plus d’un mois après le référendum britannique sur le Brexit, le Français a sillonné l’Europe des 27 et rencontré tous ses dirigeants. Lundi, les États membres, réunis à l’occasion d’un conseil des ministres à Bruxelles, doivent lui confier officiellement les rênes des négociations avec Londres. «Ça devrait aller vite», a précisé un diplomate européen, interrogé sur la procédure.
Les Européens ont fixé trois dossiers qui devront être absolument réglés pour que le retrait soit jugé «ordonné»: les droits des citoyens, le règlement des questions financières et les nouvelles frontières extérieures de l’UE, avec une attention toute particulière pour la république d’Irlande et la province britannique de l’Irlande du Nord. Ensuite seulement, selon les orientations fixées par les dirigeants de l’UE réunis en sommet extraordinaire fin avril, des discussions pourront être entamées autour de la future relation entre l’UE et son voisin britannique, après plus de quatre décennies d’adhésion.
Tous ces principes sont repris dans les «directives de négociations», sur lesquelles les ministres réunis lundi à Bruxelles devront également voter, soit une traduction détaillée des souhaits établis par les 27. Selon une source européenne ayant requis l’anonymat, les délégations des États membres étaient partagées entre celles qui voulaient entrer dans les détails et d’autres qui se contentaient de formules plus générales. La Commission veut pouvoir garder «des marges de manœuvre» dans la discussion, a souligné cette source.
Scrutin britannique
Les Européens seront donc prêts à négocier mais ils devront encore attendre… l’issue des élections législatives anticipées du 8 juin au Royaume-Uni, convoquées par la Première ministre Theresa May. Les négociations du Brexit ne commenceront pas «avant la mi-juin», a précisé Michel Barnier. La campagne au Royaume-Uni, qui s’est cristallisée autour du Brexit, a donné lieu à un échange de piques entre Londres et Bruxelles, avant que le président du Conseil européen Donald Tusk ne s’interpose.
«Ces négociations sont assez difficiles comme ça. Si nous commençons à nous disputer avant qu’elles ne débutent, elles deviendront impossibles», a plaidé début mai M. Tusk pour tenter de désamorcer des tensions de plus en plus palpables. La conservatrice Theresa May est en quête d’un mandat clair pour ne pas être en reste face à des Européens qui se mettent méthodiquement en ordre de bataille. «Ce sera à eux (les Britanniques) de nous dire quand ils sont prêts», a observé une source diplomatique à Bruxelles.
«Les cinq années à venir seront un tournant pour le Royaume-Uni, un moment fondateur et un défi. Chaque vote pour moi et mon équipe va renforcer ma main pour les négociations», martelait encore jeudi Theresa May lors d’un discours de campagne à Halifax (nord de l’Angleterre). A Bruxelles, les élections sont vues d’un bon œil. «Le fait qu'(elles) aient lieu juste avant le début de la négociation donne clairement à nos partenaires britanniques une stabilité et une visibilité dont nous avons aussi besoin», a expliqué Michel Barnier la semaine dernière devant le Parlement européen.
Mais devant les membres de la Commission, le «M. Brexit» de l’UE était plus pessimiste, selon les minutes de la récente réunion du collège des commissaires européens le 3 mai publiées sur le site de l’institution, en disant espérer qu’une fois les élections passées «le climat de politique intérieure au Royaume-Uni sera plus propice à un accord». L’un des points les plus délicats sera «sans doute» le règlement des sommes que l’UE réclame au Royaume-Uni (montant évalué côté européen à 60 milliards d’euros) du fait de ses engagements dans différents programmes et budgets européens, qui se poursuivront y compris après le retrait britannique, attendu à ce jour en mars 2019.
Sans accord sur ce point, le risque d’une absence d’accord «deviendrait réel, puisque aucun des 27 États membres ne veut contribuer davantage au cadre financier pluriannuel actuel (de l’UE), ni recevoir moins en projets financés par ce cadre», a expliqué Michel Barnier aux commissaires.
Le Quotidien