Les dirigeants de l’UE ont donné lundi un coup de pouce à la Première ministre Theresa May, dans un ultime effort pour tenter de convaincre les députés britanniques de voter mardi l’accord de Brexit menacé d’un rejet aux conséquences imprévisibles.
La chambre des Communes votera mardi soir sur cet accord négocié de haute lutte avec l’Union européenne par Theresa May mais vilipendé tant par les Brexiters que par les europhiles. Rejeter ce texte risque de compromettre le Brexit et de saper la démocratie, a déclaré la Première ministre dans une usine du bastion pro-Brexit de Stoke-on-Trent. « Nous avons tous le devoir de mettre en œuvre le résultat du référendum », a-t-elle prévenu. Sinon, « cela causerait un préjudice catastrophique à la confiance du peuple dans le processus démocratique et dans ses responsables politiques ».
Si le texte est effectivement recalé, le Royaume-Uni risque de quitter l’UE sans accord le 29 mars, un scénario redouté par les milieux économiques, ou plus probablement de ne pas quitter du tout le bloc européen, a développé Theresa May. « Comme nous l’avons vu au cours des dernières semaines, certains à Westminster (le Parlement britannique, NDLR) souhaiteraient reporter ou même stopper le Brexit et ils utiliseront tous les moyens possibles pour y parvenir », a-t-elle dit.
Le gouvernement britannique a publié dans la matinée une lettre signée par le président du Conseil européen Donald Tusk et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et censée apporter de nouvelles assurances, notamment sur l’une des dispositions les plus controversées de l’accord : le « backstop » irlandais. Cette option de dernier recours, décriée par les Brexiters, doit éviter le rétablissement d’une frontière physique entre l’Irlande et la province britannique d’Irlande du Nord si aucune solution alternative n’était trouvée à l’issue d’une période de transition.
« La Commission peut confirmer que, tout comme le Royaume-Uni, l’Union européenne ne souhaite pas » que cette disposition entre en vigueur, assure la lettre, dont les clarifications ont « valeur légale ». Reste que les dirigeants européens précisent ne pas être « en position d’accepter quoi que ce soit qui modifie ou est contradictoire avec l’Accord de sortie ». A peine publiée, la lettre était déjà critiquée : elle « n’apporte pas ce dont a besoin la chambre des Communes », a réagi sur la BBC Nigel Dodds, député du parti ultra-conservateur nord-irlandais DUP, dont le soutien est indispensable à Theresa May pour obtenir la majorité absolue au Parlement.
Les européennes, « vraie deadline »
Theresa May doit s’exprimer dans l’après-midi devant le Parlement pour évoquer ces nouveaux éléments, a indiqué le ministre du Commerce international, Liam Fox. « J’espère que mes collègues les écouteront et reconnaîtront que la meilleure façon d’aller de l’avant est de soutenir l’accord », a-t-il déclaré, mettant lui aussi en garde contre les conséquences d’une sortie de l’UE sans accord.
Mais la menace d’un no deal a déjà été contrecarrée la semaine dernière au Parlement, avec l’adoption d’un amendement obligeant l’exécutif à présenter sous trois jours, en cas de rejet de l’accord, un « plan B » amendable. Un autre amendement à une loi budgétaire, également voté grâce au soutien de conservateurs europhiles, limite les pouvoirs fiscaux du gouvernement en cas d’absence d’accord.
« Dans le cas où il n’y aurait pas d’accord, il existe la possibilité de continuer à en chercher un, il est possible aussi de prolonger les délais, de continuer à discuter », a souligné lundi le chef de la diplomatie espagnole, Josep Borrell. « La vraie deadline est les élections européennes car elles ont été planifiées sans représentation britannique, en partant du principe que quand elles auraient lieu (fin mai), le Royaume-Uni ne serait plus là », a-t-il ajouté.
En cas de rejet de l’accord, « ce sera à Londres de formuler des demandes et propositions » à l’UE, a indiqué de son côté la présidence française. Alors que Theresa May s’évertue à défendre son accord, le député conservateur Nick Boles, favorable au maintien du Royaume-Uni dans le marché commun, a évoqué la publication imminente d’un projet de loi destiné à mettre au point un « compromis » en donnant un rôle plus important au Parlement, amoindrissant de fait celui du gouvernement.
LQ/AFP