Britanniques et Européens ont de nouveau fait part de leur « déception » vendredi, à l’issue d’un troisième cycle de discussions cette semaine sur la relation post-Brexit, des négociations de plus en plus tendues et à l’issue très incertaine.
En dehors de « quelques ouvertures modestes, aucun progrès n’a été possible sur les autres sujets, les plus difficiles », a déclaré le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, lors d’une conférence de presse à Bruxelles. Il a jugé ce round « décevant ». Son homologue britannique David Frost a lui fustigé le « peu de progrès » accomplis et réclamé « un changement d’approche de l’UE » avant le prochain cycle de discussions le 1er juin.
« On fait du sur place »
« Rien de très nouveau sous le soleil », résume une source proche des discussions à l’issue de cette semaine. A l’exception, peut-être, du ton des échanges, cette fois-ci plus « fermes, parfois un peu virils ». « Le ton s’est haussé un peu plus cette session », abonde une source européenne, qui évoque une semaine « frustrante ». « On fait du sur place et le temps passe », faute de « vision commune sur ce qu’on est en train d’essayer de faire », explique-t-elle.
Les précédents échanges, fin avril, s’étaient déjà achevés sur un constat d’échec, laissant planer une forte incertitude sur la capacité de Londres et Bruxelles à s’entendre, comme prévu, d’ici la fin de l’année. Les Britanniques, qui ont formellement quitté l’UE le 31 janvier, sont entrés, jusqu’à la fin de l’année, dans une période de transition, pendant laquelle ils continuent d’appliquer les normes de l’UE. Les négociateurs doivent théoriquement décider en juin s’ils prolongent ou non cette période, afin de se laisser plus de temps pour négocier.
Mais Londres rejette catégoriquement cette idée, même si l’épidémie de coronavirus a chamboulé le calendrier des discussions, ainsi que leur forme (exclusivement par visioconférence). « Ils ont l’air convaincus qu’on peut faire sans (extension), donc on va faire sans. Mais c’est un peu une aberration », commente la source européenne, pour qui les Britanniques font preuve d’une « mauvaise foi couplée avec un aveuglement économique ». Une extension « ne ferait que prolonger (…) l’incertitude des entreprises » et impliquerait « de nouveaux versements au budget de l’UE », avait rappelé un porte-parole britannique en début de semaine.
L’UE en demande trop, juge Londres
Autre point de discorde : la forme de l’accord. Les Européens réclament un accord large et ambitieux sur l’ensemble de la relation, quand le Royaume-Uni ne demande rien de plus qu’un accord classique de libre-échange – du même type que celui conclu par l’UE avec le Canada -, autour duquel pourraient ensuite être négociés plusieurs petits textes sectoriels. Pour David Frost, des tels accords pourraient d’ailleurs « être conclus sans difficultés majeures dans le temps disponible ».
Mais l’UE ne serait prête à accepter un accord commercial avec le Royaume-Uni que s’il était assorti de garanties en matière de concurrence au niveau social, environnemental ou fiscal, afin d’éviter qu’une économie dérégulée ne surgisse à sa porte. Ce dont les Britanniques ne veulent pas entendre parler. Cette demande européenne constitue même, selon David Frost, « le principal obstacle » à un accord, car Londres n’entend pas être lié à l’avenir « au droit ou aux normes de l’UE ». « L’UE demande beaucoup plus au Royaume-Uni qu’aux autres pays souverains avec lesquels elle a conclu des accords », a encore insisté jeudi un porte-parole du gouvernement britannique.
En matière de pêche, une question ultra-sensible sur laquelle les négociateurs se sont engagés à s’entendre avant juillet, le Royaume-Uni a transmis cette semaine un texte résumant sa position : une renégociation annuelle des quotas de pêche dans ses eaux, ce que l’UE rejette.
En dépit de ces impasses, la prochaine session de négociations est, pour l’instant, toujours prévue le 1er juin.
LQ/AFP