Les négociations de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne approchent à grands pas, et la Première ministre britannique Theresa May estime avoir plusieurs atouts dans sa manche. Mais a-t-elle les moyens de ses menaces?
L’UE moins sûre sans le Royaume-Uni?
Theresa May veut visiblement faire des questions de sécurité un argument du marchandage qui s’annonce. En soulignant mardi que le Royaume-Uni est la seule puissance nucléaire en Europe avec la France et qu’elle dispose également de services de renseignement très performants, elle a mis en exergue ce qui pourrait faire défaut à l’UE faute d’un accord qui lui convienne.
« Les forces armées britanniques sont un élément crucial de la défense collective de l’Europe. Et nos capacités de renseignement – uniques en Europe – ont déjà sauvé d’innombrables vies (…) Après le Brexit, le Royaume-Uni entend être un bon ami et voisin, à tous les niveaux, et cela implique de défendre la sécurité de tous nos citoyens », a-t-elle déclaré. Avant de juger qu’un accord « punitif » contre le Royaume-Uni constituerait « un acte calamiteux » de la part de l’UE qui se « nuirait à elle-même ».
Ces propos ont été jugés contre-productifs par le Times, qui estime mercredi qu' »il serait politiquement explosif pour le Royaume-Uni de menacer de se retirer des mécanismes de coopération contre la criminalité et le terrorisme ». Selon le quotidien, un ministre britannique a assuré en privé que Londres excluait d’agiter cette menace lors des négociations.
Le spectre du dumping fiscal
Theresa May a menacé mardi de recourir au dumping fiscal et social pour attirer les entreprises sur son sol si l’UE n’offrait pas un accord satisfaisant au Royaume-Uni.
Londres sera libre de « changer les bases du modèle économique britannique », a-t-elle dit, soulignant que le Royaume-Uni aura « la liberté de fixer des taux d’imposition compétitifs » pour « attirer les meilleures entreprises du monde et les principaux investisseurs. »
Des propos qui ont suscité de vives réactions. Pour l’eurodéputé Guy Verhofstadt, le « référent Brexit » pour le Parlement européen, « menacer de transformer le Royaume-Uni en paradis fiscal (…) est une tactique de négociation contre-productive ». « Je ne pense pas que ce soit très utile, nous avons besoin d’un accord juste et certainement pas sous la menace », a-t-il ajouté.
Sa collègue Christine Revault d’Allonnes a souligné que l’UE s’était dotée d’une liste noire des paradis fiscaux. « Libre au Royaume-Uni de vouloir rejoindre cette liste ».
Le quotidien The Guardian estime lui que « May voit grand mais le Royaume-Uni est plus petit que jamais. Le discours de la Première ministre a donné une illusion de contrôle. Mais, en faisant cavalier seul à l’ère Trump, nous n’obtiendrons pas grand-chose ».
Quel sort pour les citoyens européens outre-Manche?
Theresa May l’a répété mardi : son gouvernement cherchera à garantir les droits des quelque 3 millions de citoyens européens installés au Royaume-Uni si ceux des 1,2 million d’expatriés britanniques vivant dans l’UE le sont aussi.
Si la Première ministre ne menace pas officiellement de faire des ressortissants européens vivant au Royaume-Uni une monnaie d’échange, nul doute que leur sort sera au coeur des négociations. Pour autant, les patrons britanniques, soucieux de conserver leur précieuse main d’oeuvre européenne, devraient faire pression sur le gouvernement conservateur pour garantir le maximum de droits aux travailleurs européens.
« Madame May pense que restreindre l’immigration est politiquement nécessaire, mais les quotas sont difficiles à appliquer et pourraient créer des pénuries de main d’oeuvre », souligne le Financial Times, le quotidien des affaires britanniques.
Le Quotidien / AFP