Après dix mois de négociations harassantes, l’Union européenne et le Royaume-Uni ont conclu jeudi un accord historique sur leur future relation commerciale, qui leur permettra d’éviter in extremis un «no deal» dévastateur pour leurs économies en fin d’année.
Deux sources européennes ont confirmé à l’AFP que les négociateurs des deux camps, lancés depuis mercredi dans d’ultimes tractations, avaient trouvé un terrain d’entente. «Un accord est conclu», a indiqué une source du gouvernement britannique.
Dans une toute première réaction, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a souligné que le Royaume-Uni restera «un partenaire digne de confiance de l’UE». De son côté, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a estimé que accord post-Brexit est «bon pour toute l’Europe».
L’aboutissement de ces laborieuses discussions, débutées en mars, permettra aux deux parties de s’épargner un «no deal». aussi embarrassant sur le plan politique que dommageable au niveau économique.
Les négociations étaient depuis lundi entre les mains d’Ursula von der Leyen, et Boris Johnson, qui ont échangé à plusieurs reprises pour tenter de sortir de l’impasse sur la pêche, ultime point d’achoppement des discussions. Malgré son faible poids économique, le secteur de la pêche revêt une importance politique et sociale pour plusieurs État membres, dont la France, les Pays-Bas, le Danemark ou l’Irlande. Mais les Britanniques veulent reprendre le contrôle de leurs eaux et en ont fait le symbole de leur souveraineté retrouvée après le divorce.
Un compromis trouvé sur la pêche
Les tractations se sont concentrées sur le partage des quelque 650 millions d’euros de produits pêchés chaque année par l’UE dans les eaux britanniques et sur la durée de la période d’adaptation pour les pêcheurs européens. Les Européens proposaient de renoncer à 25 % de ce montant sur une période de six ans, selon une source européenne. Dans leur dernière offre, les Britanniques accepteraient ce pourcentage, à l’issue d’une période de transition de cinq ans et demi, avec ensuite une renégociation annuelle des règles d’accès réciproque aux zones de pêche, selon une source proche de la négociation.
L’accord entre la Commission européenne et le Royaume-Uni devra encore être validé par les États membres, un processus qui devrait prendre plusieurs jours.
Vers une validation a postiori du Parlement européen
Il reste en théorie suffisamment de temps pour qu’un éventuel traité entre en application provisoire le 1er janvier, quand le Royaume-Uni, qui a officiellement quitté l’UE le 31 janvier dernier, aura définitivement abandonné le marché unique. Le texte, de près de 2 000 pages, serait alors validé a posteriori par le Parlement européen.
Sans accord, les échanges entre l’UE et Londres auraient été régis par les seules règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane, de quotas, ainsi que de formalités administratives susceptibles d’entraîner des embouteillages monstres et des retards de livraison. Un scénario noir pour le Royaume-Uni, déjà malmené par une variante plus virulente du coronavirus qui l’a isolé du reste du monde.
Les autres sujets problématiques – la manière de régler les différends et les mesures de protection contre toute concurrence déloyale – avaient été réglés ces derniers jours.
Une prouesse pour Londres et Bruxelles
La conclusion d’un texte en à peine dix mois – quatre ans et demi après le référendum de juin 2016 sur le Brexit – constitue une prouesse pour Londres et Bruxelles, surtout pour un accord de cette envergure qui prend en général des années.
Deux ans et demi avaient été nécessaires pour négocier le traité de retrait scellant le départ britannique, conclu fin 2019, un texte fournissant une sécurité juridique aux expatriés des deux côtés de la Manche et des garanties pour le maintien de la paix sur l’île d’Irlande.
Avec cet accord, l’UE offre à son ancien État membre un accès inédit sans droit de douane ni quota à son immense marché de 450 millions de consommateurs. Mais cette ouverture sera assortie de strictes conditions : les entreprises d’outre-Manche devront respecter un certain nombre de règles évolutives au fil du temps en matière d’environnement, de droit du travail et de fiscalité pour éviter tout dumping. Des garanties existent aussi en matière d’aides d’État. Un mécanisme permettra aux deux parties d’activer rapidement des contre-mesures, comme des droits de douane, en cas de divergences sur ces normes.
En cas de «no deal», le Royaume-Uni aurait perdu beaucoup plus que l’Europe : les Britanniques exportent 47 % de leurs produits vers le continent, quand l’Union européenne n’écoule que 8 % de ses marchandises de l’autre côté de la Manche.
LQ/AFP