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Brésil : Sergio Moro, ex-atout maître du gouvernement Bolsonaro


Sergio Moro a présenté, vendredi, sa démission du poste de ministre de la Justice et de la Sécurité publique, dénonçant les "ingérences politiques" du président Bolsonaro. (photo AFP)

Le ministre de la Justice et de la Sécurité publique du Brésil, Sergio Moro a annoncé vendredi sa démission. Avec son départ, le président Bolsonaro perd son ministre le plus populaire, figure emblématique de la lutte anticorruption, qui peut devenir une menace pour lui en vue d’une réélection en 2022.

L’ancien juge de 47 ans a présenté, vendredi, sa démission du poste de ministre de la Justice et de la Sécurité publique, dénonçant les « ingérences politiques » après que le président d’extrême droite a limogé l’un des ses hommes de confiance, le chef de la police fédérale, principal organe d’investigation sous tutelle de son ministère.

Sergio Moro, qui était considéré comme l’atout maître du gouvernement, avait préféré faire profil bas depuis plus d’un an face aux multiples dérapages du président d’extrême droite et aux humiliations que celui-ci lui a infligées. Mais vendredi, il a révélé que son « grand problème » avait été que la promesse initiale de « carte blanche » de Jair Bolsonaro « avait été violée ».

Le fait que Sergio Moro ait accepté d’entrer au gouvernement Jair Bolsonaro avait été un pari risqué. Mais beaucoup le voient à présent comme un candidat sérieux pour la présidentielle de 2022. Les sondages le donnent favori pour un duel avec celui qui lui a mis le pied à l’étrier en politique.

Rendu célèbre par son travail acharné au sein de la méga-opération anticorruption « Lavage express », il est considéré comme un héros par de nombreux Brésiliens, même si son impartialité a été sérieusement mise en doute l’an dernier. Son principal fait d’armes : la lourde condamnation en première instance de l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, qui a purgé 18 mois de prison avant d’être libéré en novembre.

Un statut d’idole

Mais la publication en juin par le site d’investigation The Intercept Brasil de messages de l’époque où il était juge indiquant des manœuvres avec des procureurs pour empêcher l’icône de la gauche de revenir au pouvoir ont terni son image. Avec « Lavage express », il s’était pourtant forgé la réputation d’un juge intraitable rêvant de mener un version brésilienne de l’opération « Mains propres » qui a permis de démanteler dans les années 1990 en Italie un vaste réseau de corruption ayant éclaboussé le pouvoir.

Né dans la ville de Maringa, près de Curitiba (Sud), il devient juge en 1996 après des études de droit. Docteur et professeur universitaire, il complète sa formation à Harvard (États-Unis) et se spécialise dans les délits de blanchiment d’argent. Marié et père de deux enfants, le juge est devenu l’idole de millions de Brésiliens, dont certains ont même fait figurer son visage sérieux sur des tee-shirts et banderoles portés pendant des manifestations contre la corruption.

Démêlant un vaste système de détournements de fonds de Petrobras, le magistrat n’a pas hésité à envoyer en prison pratiquement tous les anciens directeurs du groupe pétrolier étatique, puis les patrons des plus puissants groupes de BTP qui leur versaient des commissions en échange de marchés. Cela le conduira vers l’argent sale alimentant les campagnes de la plupart des partis politiques au Brésil. Il n’hésitera pas à envoyer derrière les barreaux des hommes politiques de premier plan, de droite comme de gauche. Lula est sans conteste le plus gros poisson pris dans ses filets.

Avant de l’interroger en mai 2017, le juge Moro lui avait assuré: « Monsieur le président, je veux clarifier que, malgré certaines rumeurs, je n’ai pas de grief personnel contre vous. L’issue du procès viendra des preuves et de la loi ». Il n’a pas convaincu tout le monde. Et surtout pas l’ancien chef d’État, qui a déclaré après sa condamnation : « Le juge Sergio Moro, otage des médias, était condamné à me condamner ». Pour les avocats de Lula, les révélations de The Intercept n’ont fait « que renforcer le fait que l’ex-président n’a pas eu droit à un jugement impartial ». Dans un entretien, Lula avait déjà dénoncé la volonté des enquêteurs de l’opération « Lavage express » de « criminaliser la politique ».

Décrit par ses pairs comme un magistrat compétent et déterminé, Sergio Moro a aussi été critiqué pour son recours récurrent à la détention provisoire et aux accords avec des inculpés pour obtenir leurs confessions.

AFP/LQ