Fragilisé par de graves accusations de corruption, le président brésilien Michel Temer affronte à partir de mardi un procès à haut risque, avec la reprise d’un jugement du Tribunal supérieur électoral (TSE) qui pourrait le chasser du pouvoir.
Les sept juges du TSE peuvent en effet décider d’annuler purement et simplement le scrutin présidentiel de 2014 qui avait vu l’élection de Dilma Rousseff à la présidence et M. Temer à la vice-présidence. Ce dernier avait accédé à la fonction suprême il y a un an, après la destitution fracassante de Mme Rousseff pour maquillage des comptes publics.
En cas d’invalidation de l’élection de 2014, la cour devra déterminer si M. Temer abandonne le pouvoir immédiatement ou s’il peut rester au palais de Planalto, dans la capitale Brasilia, jusqu’à l’épuisement des recours devant ce même TSE et la Cour suprême. Dans les deux cas, le Brésil va traverser une période d’incertitude accrue.
Le procès, dont la première séance commence mardi à 19 heures locales (minuit au Luxembourg) porte sur des irrégularités dans le financement de la campagne présidentielle de 2014. La procédure pourrait être prolongée de plusieurs semaines, selon les analystes et les experts du code électoral consultés.
Le mandat de M. Temer ne tient qu’à un fil depuis la révélation, à la mi-mai, d’un enregistrement sonore compromettant dans lequel il semble donner son accord pour acheter le silence d’un ex-député aujourd’hui en prison.
Depuis, les appels à la démission se sont multipliés, un grand nombre de motions de destitution ont été déposées, mais la plupart des observateurs s’attendent à ce que le destin de ce président hautement impopulaire soit scellé par la décision du TSE, dont le verdict pourrait tomber dès jeudi.
Ce procès a formellement débuté le 4 avril, mais a aussitôt été interrompu pour laisser plus de temps à la défense et citer des témoins en lien avec le réseau de corruption du géant pétrolier Petrobras qui aurait financé la campagne de Mme Rousseff et M. Temer.
Mais depuis, l’étau s’est considérablement resserré sur le président actuel, visé par une enquête de la Cour suprême pour corruption passive et entrave à la justice liée à l’enregistrement compromettant qui a plongé le pays dans une grave crise institutionnelle.
M. Temer oeuvre en coulisse pour tenter d’éviter une défection en masse de ses alliés politiques, jouant la montre face aux multiples accusations.
Jusqu’à présent, il a réussi à obtenir un certain répit, mettant en avant la nécessité de passer une série de réformes d’austérité pour sortir le pays d’une récession historique, mais la décision du TSE pourrait bien changer la donne.
« Nous allons attendre la décision du TSE pour prendre position au sujet du gouvernement Temer », a affirmé lundi le maire de Sao Paulo Joao Doria, du PSDB (centre), allié-clé du gouvernement.
En attendant, M. Temer tente de donner une impression de normalité, surfant notamment sur des résultats économiques encourageants.
Jeudi dernier, le pays a retrouvé le chemin de la croissance, avec une progression de 1% du PIB au premier trimestre 2017, qui laisse entrevoir la sortie de deux années de récession.
La première économie d’Amérique Latine a aussi vu son taux de chômage baisser pour la première fois depuis novembre 2014, reculant de 0,1 point, pour atteindre 13,6% fin avril, même s’il reste extrêmement élevé, avec 14 millions de personnes à la recherche d’un emploi.
« Le gouvernement est parvenu à faire beaucoup de choses en seulement un an », a affirmé M. Temer lundi, lors d’une cérémonie célébrant la journée mondiale de l’environnement.
Une apparente sérénité aux airs de calme précédant la tempête, alors que la justice électorale est loin d’être sa seule épée de Damoclès.
Samedi, l’un de ses proches conseillers, Rodrigo Rocha Loures, filmé en train de recevoir une valise de billets et soupçonné d’être un intermédiaire dans cette affaire de pots-de-vin, a été placé en détention provisoire.
S’il décide de passer aux aveux, de nouvelles révélations explosives pourraient rendre la position du président Temer encore plus insoutenable.
Le Quotidien /AFP