Moins de trois mois après sa condamnation historique pour tentative de coup d’État contre son rival Lula, l’ex-président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro a commencé mardi à purger sa peine de 27 ans de prison.
L’ancien chef de l’État (2019-2022), 70 ans, avait durant son mandat défié les institutions de la plus grande démocratie d’Amérique latine. Il se retrouve incarcéré dans une petite cellule équipée d’un climatiseur, d’une télévision et d’un miniréfrigérateur. La Cour suprême a considéré que tous ses recours étaient épuisés, une thèse contestée par la défense.
L’avocat Paulo Cunha Bueno a trouvé «surprenante» la décision du tribunal et a annoncé sur le réseau social X que la défense allait «présenter dans les délais prévus le recours qu’elle juge approprié». Jair Bolsonaro était assigné à résidence depuis début août, mais a été placé en détention provisoire samedi pour «risque élevé de fuite» après avoir tenté de brûler son bracelet électronique avec un fer à souder.
Pour purger sa peine, il va demeurer dans le même complexe de la police fédérale de Brasilia, où il se trouve depuis ce week-end, selon un ordre judiciaire émis mardi par le juge Alexandre de Moraes, chargé du dossier.
Il échappe donc à l’opprobre et aux rigueurs d’un centre pénitentiaire comme celui de Papuda, également dans la capitale, où de nombreuses personnalités politiques ont été incarcérées.
En septembre, la Cour suprême l’a déclaré coupable d’avoir été le chef d’une «organisation criminelle» ayant conspiré pour assurer son «maintien autoritaire au pouvoir» après la victoire du président actuel de gauche Luiz Inacio Lula da Silva lors du scrutin d’octobre 2022.
Selon l’accusation, ce projet de coup d’État, qui prévoyait jusqu’à l’assassinat de Lula, n’a pas été concrétisé en raison du manque de soutien du haut commandement militaire. Un premier appel des avocats de Jair Bolsonaro a été rejeté formellement à la mi-novembre.
«Indigné»
Selon le juge Moraes, Jair Bolsonaro a tenté samedi peu après minuit de brûler son bracelet électronique dans l’espoir de s’échapper, à la faveur d’une manifestation prévue par ses partisans près de chez lui. Le rassemblement ouvrait une «possibilité de tentative de fuite vers l’une des ambassades proches de sa résidence», a avancé le magistrat, soulignant la proximité de la chancellerie des États-Unis.
Jair Bolsonaro est un allié de Donald Trump. Dénonçant une «chasse aux sorcières» contre lui, le président américain a infligé en représailles une surtaxe punitive au Brésil, avant de l’alléger considérablement après une rencontre avec Lula en octobre.
Pour expliquer l’épisode du bracelet électronique, la défense de l’ancien chef d’État a décrit un «état de confusion mentale» dû à la prise de médicaments et lui-même a plaidé un moment de «paranoïa». Il a nié toute intention de fuir.
«Il est indigné (…) face à la persécution dont il fait l’objet. S’il lui arrive quelque chose, on sait qui sera responsable», a lancé mardi matin son fils aîné, le sénateur Flavio Bolsonaro, après une visite à son père dans les locaux de la police. Jair Bolsonaro souffre notamment des séquelles d’un attentat à l’arme blanche subi en 2018, ce qui lui a valu plusieurs opérations et des crises de hoquet sévères.
Droite sans champion
Il est le quatrième ancien président à se retrouver incarcéré depuis la fin de la dictature militaire (1964-1985). Le cas le plus récent est celui de Fernando Collor (1990-1992). En mai, la Cour suprême l’a autorisé à purger à domicile sa peine de plus de huit ans de réclusion pour corruption, pour raisons de santé.
Les avocats de Jair Bolsonaro ont demandé à ce que leur client bénéficie du même traitement. Condamné pour corruption, Lula est resté pour sa part 580 jours incarcéré en 2018-2019 au sein des locaux de la police fédérale de Curitiba (sud), dans des conditions similaires à celles dans lesquelles Jair Bolsonaro va purger sa peine.
En 2021, la Cour suprême a annulé les condamnations de Lula pour vice de forme. La situation judiciaire de Jair Bolsonaro laisse son camp sans champion désigné pour la présidentielle de 2026, alors que le leader de la gauche a déjà dit qu’il briguerait un quatrième mandat.