Les manifestants sont descendus dans la rue dimanche en Birmanie au lendemain de la journée de répression la plus sanglante depuis le coup d’Etat du 1er février, avec au moins 90 morts dont plusieurs enfants, des violences fermement condamnées par la communauté internationale.
Les militants pour le rétablissement de la démocratie avaient appelé à de nouvelles manifestations samedi, jour où l’armée organise tous les ans un gigantesque défilé devant le chef de l’armée, désormais à la tête de la junte, le général Min Aung Hlaing.
« Au moins 90 personnes [avaient] été tuées » à la tombée de la nuit samedi, a déclaré l’Association pour l’assistance aux prisonniers politiques (AAPP), une ONG locale qui recense le nombre des morts depuis le putsch. Les médias locaux font état de 114 morts.
Le nombre de morts depuis le coup d’Etat du 1er février est passé à au moins 423, selon l’AAPP.
Dimanche, les Birmans sont une nouvelle fois dans la rue pour réclamer le retour à la démocratie, et de nombreuses funérailles devaient avoir lieu à travers le pays, qui se remet de sa journée la plus sanglante depuis le putsch.
Drapeau à la main, des manifestants sont descendus tôt dimanche matin dans les rues de Bago, au nord-est de Rangoun, à Monywa (centre) et dans la petite ville de Moe Kaung dans l’Etat Kachin (nord).
À Mandalay, la famille d’Aye Ko, un père de quatre enfants, tué pendant la nuit de samedi à dimanche, lui a rendu hommage lors d’une cérémonie dimanche.
« Il était le seul à nourrir la famille, le perdre est une grande perte pour nous », a déclaré un proche à l’AFP.
Au moins 90 personnes tuées
Les chefs des forces de défense de 12 pays, dont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon et l’Allemagne, ont condamné dans la nuit de samedi à dimanche l’utilisation de la force par l’armée birmane contre des civils « non armés ».
« Une armée professionnelle suit les normes internationales de conduite et a la responsabilité de protéger le peuple qu’elle sert, non de lui nuire », indiquent-ils dans un rare communiqué conjoint.
Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken s’est dit « horrifié » par la « terreur » que font régner les militaires birmans. Son homologue britannique Dominic Raab a estimé que la junte avait franchi un « nouveau palier » dans la répression.
L’ambassade américaine à Rangoun a appelé ses citoyens à limiter leurs mouvements dimanche.
« Si vous devez voyager, faites preuve de prudence et assurez-vous d’avoir la possibilité de communiquer avec vos proches tout en voyageant », a tweeté le service consulaire.
Le centre culturel américain de Rangoun a été la cible de coups de feu samedi.
Lors de la traditionnelle Journée des forces armées samedi, le général Min Aung Hlaing avait de nouveau défendu le coup d’Etat, dénonçant de prétendues irrégularités dans les législatives de novembre, remportées par le parti d’Aung San Suu Kyi.
Les actes de « terrorisme qui peuvent nuire à la tranquillité et à la sécurité de l’Etat sont inacceptables », a-t-il déclaré dans un discours.
La violence a éclaté dans tout le pays, l’armée utilisant des balles réelles dans plus de 40 cantons de neuf régions, y compris à Rangoun, la plus grande ville du pays, selon l’AAPP.
Acte « d’inhumanité grave »
« Les forces de la junte ont tiré à l’arme automatique sur les zones résidentielles, tuant de nombreux civils, dont six enfants entre dix et seize ans », a déclaré l’ONG. « Le fait que le régime militaire illégitime vise les enfants est un acte d’inhumanité grave ».
Un journaliste du canton de Kyeikhto, dans l’Etat de Mon (sud-est), a été blessé d’une balle dans la jambe.
Parallèlement, un groupe de rebelles armés de la minorité ethnique des Karens, l’Union nationale karen, a affirmé avoir été bombardé par des chasseurs de la junte dans l’est samedi, quelques heures après que le groupe rebelle s’est emparé d’une base militaire.
Les autorités n’avaient pas réagi à ces accusations dans la matinée de dimanche.
Hsa Moo, de l’ethnie karen et militante des droits de l’homme, a déclaré que trois personnes avaient été tuées et au moins huit blessées. « Les gens s’inquiètent de savoir si les frappes aériennes se reproduiront aujourd’hui », a-t-elle déclaré à l’AFP.
Cette action marque la première attaque aérienne dans cet Etat depuis des années. La cible, la cinquième brigade de l’Union nationale karen (KNU), est l’un des plus grands groupes armés du pays et affirme représenter le peuple karen.
A Londres, l’ambassade de Birmanie a confirmé dimanche que l’ambassadeur avait rencontré le plus jeune fils d’Aung San Suu Kyi la semaine dernière. Kim, âgé de 44 ans, a réitéré sa demande de parler à sa mère par téléphone.
L’ex-cheffe du gouvernement civil est détenue au secret depuis le 1er février dans une résidence de la capitale birmane.
AFP