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Biélorussie : série de raids contre la presse d’opposition


Le régime autoritaire de Loukachenko ne relâche pas la (ré)pression sur les journalistes en Biélorussie. (photo AFP)

Les autorités biélorusses ont procédé jeudi à une série d’arrestations et de perquisitions visant la presse indépendante et d’opposition, nouvelle étape dans la brutale répression du mouvement de contestation qui secoue le pays depuis 2020.

La pression n’a cessé de s’accentuer ces derniers mois sur les médias biélorusses, avec notamment l’emprisonnement de deux journalistes de la chaîne de télévision d’opposition Belsat, le blocage du site internet tut.by et, en point d’orgue, l’arrestation du journaliste et dissident Roman Protassevitch, après l’interception de l’avion dans lequel il se trouvait.

Jeudi, le ministère de l’Information a annoncé avoir ordonné le blocage de Nacha Niva, l’un des principaux médias d’opposition dans cette ex-république soviétique située aux portes de l’Union européenne. Le site internet de ce média historique n’était pas accessible jeudi, même de l’étranger. « Nous n’avons plus de contacts avec certains de nos employés, y compris le rédacteur en chef Egor Martinovitch. Il est possible qu’il soit détenu car les lecteurs rapportent qu’il y a des policiers dans le bâtiment où se trouve la rédaction », a dit Nacha Niva sur sa chaîne Telegram. La femme d’Egor Martinovitch, Adaria Gouchtyn, a ensuite confirmé l’arrestation de son mari sur Facebook.

Fondé en 1906 par les grands noms de la littérature biélorusse moderne, Nacha Niva était passé à une version entièrement en ligne en 2016 en raison de difficultés économiques. Très populaire, ce média avait couvert le mouvement de protestation contre la réélection du président Alexandre Loukachenko en 2020. Nacha Niva a déjà fait l’objet de pressions économiques des autorités dernièrement. En avril, elle avait été condamnée à 4 500 euros d’amende pour « activité entrepreneuriale illégale » et les réseaux de distribution de l’État avaient cessé de prendre en charge ses suppléments.

L’association biélorusse des journalistes a également signalé jeudi l’arrestation du rédacteur en chef du site internet d’information indépendant orsha.eu, Igor Kazmertchaka, et le blocage du site dev.by, qui couvre l’actualité du secteur de la tech. Les rédactions de deux sites internet d’informations régionales indépendants, Brestskaïa Gazeta et Intex-press, ont aussi annoncé avoir fait l’objet de perquisitions, selon des messages sur Telegram et l’organisation de défense des droits humains Vesna.

Volonté de « détruire les médias »

Au moins 25 journalistes et autres employés de médias se trouvent actuellement en prison ou en résidence surveillée, d’après l’association biélorusse des journalistes. Certains sont aussi jugés pour des affaires d’ « extrémisme ».

« Sous le couvert de la lutte contre l’extrémisme, les autorités tentent de détruire les médias indépendants », a dénoncé l’association dans un communiqué, exigeant « la fin de la destruction de la liberté d’expression ».

Les autorités poursuivent ces derniers mois la répression du mouvement de contestation historique de la réélection jugée frauduleuse d’Alexandre Loukachenko, à la tête de l’État depuis 1994. Ce mouvement a rassemblé pendant des mois des dizaines de milliers de manifestants avant de s’essouffler à la suite d’arrestations, de violences, d’exils forcés et de procès.

En février, deux journalistes de la chaîne de télévision d’opposition ayant son siège en Pologne Belsat, Daria Tchoultsova et Katerina Bakhvalova, ont été condamnées à deux ans de prison, accusées d’avoir fomenté des « troubles » en couvrant la contestation de 2020. Le site tut.by, dont les informations sont les plus lues de Biélorussie et qui avait activement couvert les manifestations, a lui aussi été touché. En mai, une quinzaine de ses employés ont été arrêtés et son fonctionnement a été bloqué après des perquisitions. Le point culminant a été atteint avec l’arrestation fin mai de Roman Protassevitch : l’avion de ligne dans lequel il voyageait, qui faisait la liaison Athènes-Vilnius, a été intercepté au-dessus du territoire biélorusse et dérouté au motif d’une alerte à la bombe présumée. Roman Protassevitch était l’ancien rédacteur en chef du média Nexta, qui avait joué un rôle central dans la contestation en relayant les consignes des organisateurs des manifestations. Depuis son arrestation, il a été exhibé plusieurs fois à la télévision publique, ses soutiens dénonçant des interviews « sous contrainte ».

LQ/AFP