Le président américain Joe Biden et son homologue sud-coréen Yoon Suk Yeol ont mis en garde mercredi la Corée du Nord contre toute attaque nucléaire qui susciterait une riposte telle qu’elle mettrait « fin » au régime à Pyongyang.
S’exprimant lors d’une conférence de presse à l’issue de leur entretien à la Maison Blanche, les deux dirigeants ont mis en exergue le renforcement du bouclier nucléaire américain et leur « alliance indéfectible », « forgée en temps de guerre et qui a prospéré en temps de paix », selon Biden.
« Une attaque nucléaire de la Corée du Nord contre les États-Unis ou ses alliés ou partenaires est inacceptable et provoquera la fin du régime qui déciderait d’entreprendre une telle action », a averti le président américain.
Yoon a pour sa part estimé que la paix avec son voisin du Nord reposait sur « une force supérieure écrasante », plutôt qu' »une bonne volonté de l’autre partie ».
Pékin a aussitôt averti Séoul et Washington de ne pas « provoquer une confrontation » avec Pyongyang.
« Toutes les parties doivent faire face au nœud du problème de la péninsule (coréenne) et jouer un rôle constructif dans la promotion d’un règlement pacifique de la question », a déclaré jeudi la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning.
Elle a appelé à ne pas « attiser délibérément les tensions, provoquer la confrontation et brandir des menaces », estimant que Washington aggravait ainsi « les tensions dans la péninsule ».
« Déclaration de Washington »
Le président sud-coréen est le deuxième dirigeant étranger sous la présidence Biden à être honoré d’une visite d’État après celle du président français Emmanuel Macron en décembre dernier.
Les États-Unis et la Corée du Sud ont convenu dans une « Déclaration de Washington » adoptée mercredi de renforcer considérablement leur coopération en matière de défense, y compris nucléaire, par le biais de « consultations » plus étroites.
« Nos deux pays se sont mis d’accord pour lancer des consultations bilatérales immédiates en cas d’attaque nucléaire nord-coréenne et promis d’y répondre promptement et de façon décisive en employant toute la force de notre alliance y compris les armes nucléaires des États-Unis », a dit Yoon.
Il s’agit ainsi pour les États-Unis de rassurer leur allié sud-coréen, face à la Corée du Nord qui a procédé cette année à un niveau record de tirs de missiles balistiques.
Le message s’adresse aussi à la Chine qui, déplore Washington, n’userait pas suffisamment de son influence pour obtenir un changement de cap à Pyongyang.
Pékin, que Washington avait pris le soin de prévenir, a aussitôt condamné cette décision.
« Ce que font les États-Unis (…) provoque une confrontation entre les camps, sape le régime de non-prolifération nucléaire et les intérêts stratégiques d’autres pays », a encore déclaré Mme Mao.
Au-delà, Washington envoie également le signal de son engagement de plus en plus affirmé en Asie-Pacifique après avoir récemment renforcé des accords de défense avec l’Australie, le Japon et les Philippines, dont le président Ferdinand Marcos Jr est attendu le 1er mai à la Maison Blanche.
M. Biden doit aussi se rendre au prochain sommet du G7 mi-mai au Japon, puis à Sydney pour un sommet du « Quad », qui regroupe les États-Unis, l’Australie, le Japon et l’Inde.
Pour Frank Aum, de l’Institut pour la paix à Washington, ces annonces pourraient cependant ne pas avoir l’effet escompté.
« L’histoire montre qu’en renforçant des mesures de dissuasion, non seulement cela ne dissuade pas les exercices militaires nord-coréens mais cela tend à les exacerber », dit-il.
Sous-marin nucléaire
Parmi les mesures décidées dans le cadre de cette « Déclaration de Washington » figure l’escale d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins en Corée du Sud pour la première fois depuis quatre décennies.
Le déploiement de ce sous-marin équipé de missiles balistiques à tête nucléaire doit cependant rester « occasionnel ».
Par ailleurs, cette « Déclaration de Washington » met en place un mécanisme de consultation et d’échange d’informations avec Séoul sur la dissuasion nucléaire.
« Les États-Unis n’ont pas pris de telles mesures, vraiment, depuis le temps de la Guerre froide avec une poignée de nos plus proches alliés en Europe », a affirmé un responsable sous couvert d’anonymat.
Pour autant, les États-Unis n’ont aucunement l’intention de stationner des armes nucléaires en Corée du Sud et Séoul réaffirme son engagement à ne pas chercher à se doter de son propre arsenal.
Les deux pays réaffirment encore leur objectif d’une dénucléarisation de la péninsule coréenne.
Outre les sous-marins, il y aura « une cadence régulière de visites de bombardiers et de porte-avions ». Mais il n’y aura pas « de déploiement permanent de ces moyens ni d’armes nucléaires », a assuré le responsable.
Le président Yoon était arrivé sous les acclamations de quelques centaines de personnes rassemblées devant la Maison Blanche et a reçu les honneurs militaires lors d’une cérémonie bien rodée.
Il doit aussi s’adresser aux deux chambres du Congrès avant de se rendre vendredi à Boston pour visiter les prestigieuses universités du MIT et de Harvard, puis rentrer en Corée samedi.