Joe Biden et Xi Jinping ont rétabli mercredi un dialogue resté en souffrance pendant un an, mais ont aussi exposé leurs différends au grand jour, en particulier sur Taïwan.
Le président américain a ainsi dit en conclusion d’une conférence de presse, destinée à saluer le résultat du sommet, qu’il considérait toujours son homologue chinois comme un « dictateur », reprenant une expression qui a suscité la colère de Pékin dans le passé. La rencontre va toutefois déboucher sur une reprise des communications militaires de haut niveau, suspendues depuis plus d’un an, ont fait savoir les deux superpuissances.
Le sommet de quatre heures, dans une résidence cossue à une quarantaine de kilomètres de San Francisco, a été « constructif et productif », selon Joe Biden. Le démocrate de 80 ans a assuré que les deux hommes pourraient décrocher leur téléphone et se parler « directement et immédiatement » en cas de crise. Car la réunion, destinée à donner une impression de sérénité retrouvée – Joe Biden et Xi Jinping se sont par exemple montrés brièvement aux photographes pendant une courte promenade dans un coquet jardin – n’a évidemment résolu aucun différend de fond.
Taïwan
Le président Xi a certes accepté de prendre, selon les Américains, « un certain nombre de mesures conséquentes pour réduire considérablement les approvisionnements » en composants du fentanyl. Ce puissant opiacé de synthèse produit avec des composés chimiques venus notamment de Chine cause des dizaines de milliers d’overdoses chaque année aux Etats-Unis.
L’annonce est bienvenue pour Joe Biden, en campagne pour un second mandat. Washington et Pékin ont aussi décidé de mobiliser un groupe d’experts pour discuter des risques liés à l’intelligence artificielle. Xi Jinping, confronté à une situation économique et sociale dégradée en Chine, ne veut surtout pas paraître affaibli, en particulier à propos de Taïwan. Le statut de l’île, dont Pékin revendique la souveraineté, et où se déroulera bientôt une élection présidentielle, reste un sujet de friction central.
Mercredi, Joe Biden a demandé à Xi de « respecter le processus électoral » et confirmé la ligne volontairement ambiguë des Etats-Unis: pas de soutien à l’indépendance, mais refus d’une prise de contrôle par la force. Le président chinois a de son côté exhorté son homologue à « cesser d’armer Taïwan », puisque la réunification est selon lui « inévitable », a indiqué une source de la diplomatie chinoise.
Dynasty
Washington attend aussi de la Chine, proche partenaire de l’Iran et de la Russie, qu’elle n’envenime pas les grandes crises internationales: le conflit entre Israël et le Hamas ainsi que la guerre en Ukraine. Les deux hommes ont eu une réunion avec leurs délégations respectives, puis un déjeuner de travail en petit comité – poulet à l’estragon et gâteau aux amandes au menu – et enfin cette promenade en tête-à-tête, clairement organisée pour les photographes et les caméras.
Un sommet réglé au millimètre, après des semaines de tractations, dans un domaine niché au sein des collines californiennes, qui a servi, pour l’anecdote, de décor aux vénéneuses intrigues du feuilleton roi des années 1980, « Dynasty ». Le président américain avait appelé, au début de la réunion, à gérer la rivalité de manière « responsable », pour « s’assurer qu’elle ne dégénère pas en conflit ».
« La Chine ne recherche pas de sphères d’influence, et ne livrera ni guerre chaude ni guerre froide à quelque pays que ce soit » a pour sa part assuré Xi Jinping plus tard, alors que Washington et Pékin se livrent une concurrence féroce, qu’elle soit économique, technologique, stratégique ou militaire. Il a cependant aussi fait savoir à Joe Biden que les sanctions économiques américaines nuisent « aux intérêts légitimes » de la Chine, selon un média d’Etat.
Xi Jinping et Joe Biden s’étaient parlé pour la dernière fois en novembre 2022, en marge du sommet du G20 de Bali. La relation bilatérale n’avait ensuite cessé de se crisper, menaçant même de dérailler franchement avec le survol du territoire américain par un ballon chinois en début d’année. Washington avait dénoncé une opération d’espionnage, ce que la Chine avait démenti.
En mars, le président chinois avait dénoncé une stratégie américaine d' »encerclement », alors que les Etats-Unis musclent leurs alliances en Asie-Pacifique et empilent les sanctions économiques sur la Chine.
Ce que Joe Biden a continué à faire dès mercredi soir, lors d’une réception pour les dirigeants de l’Apec (« Coopération économique pour l’Asie-Pacifique), réunis en sommet à San Francisco, pour, selon lui, « créer de nouveaux contacts et lancer de nouveaux partenariats. » Le ton s’est toutefois suffisamment radouci à l’été pour permettre l’organisation du face-à-face californien.